Musicales du Luberon 3 août 2017 Eglise Notre-Dame Saignon
Bach encore et toujours
A l’issue de ce dernier événement de l’édition 2017 des Musicales, revient à l’esprit du modeste soussigné un souvenir personnel lié à un récital de la grande pianiste Zhu-Xiao Mei, une de nos invitées en 2008.
A la suite de ses admirables Goldberg de J.S Bach, le public réclamant un bis, celle-ci, referma le couvercle de son piano et avec le plus grand naturel, déclara : « Tout est dit.. »
Mon vœu (bien entendu inapplicable) serait, primo, quand il s’agit du Cantor de Leipzig, de renoncer aux applaudissements. Puis, laisser notre Bach décanter pendant une minute de silence avant les sacrilèges babils d’après-concert. Une sorte de 49/3 appliqué à la musique classique. Un temps nécessaire afin de passer du sacré au profane.
Par jeu, un florilège de quelques fortes pensées inspirées par le « pater musicus » :
Le psychanalyse : Dieu ( donc Bach…) n'est qu'une transposition dans l'âge adulte d'un père idéalisé et tout puissant de l'enfance »
Le musicographe : L’œuvre de Bach est une vision du monde pas une émanation de lui-même. Il décrit un univers auquel s’abreuveront Liszt, Chopin, Schumann, Mozart, Schonberg, Berg, Webern, Stravinsky.
Le musicologue : Comme si du sablier de l'histoire, JS. Bach occupait le centre.
L’exégète: S’il y a quelqu'un qui doit tout à Bach, c'est bien Dieu
Le luthérien : La musique est un don de Dieu. Le véritable artiste est un artisan, consacrant son existence à celle-ci. Avant tout un pédagogue.
De Bach lui-même : Quiconque s'appliquera autant que moi fera aussi bien.
C’est une éternelle controverse. Vaine et abrasive.
Clavecin ou viole de gambe ? Piano ou violoncelle ?
L’option « instruments modernes » alimente le débat entre les tenants de ceux-ci et les puristes. Suggestion au profit des belligérants : et si les deux esthétiques produisaient des plaisirs différents mais complémentaires… ? Le choix sans le renoncement ?
Bach, le moins sectaire des hommes, aurait adopté les deux versions.
De Debussy : « Il n’y a pas de théorie, il suffit d’écouter, le plaisir est la règle. »
Sonia Wieder-Atherton en solo
Suite pour violoncelle n° 5 en do mineur, BWV 1011 (1724)
Prélude-Allemande-Courante-Sarabande.-Gavotte I II-Gigue
Des six fameuses suites pour violoncelle seul, nous revient à l’esprit ce mot d’Arthur Schnabel évoquant Mozart : « Trop faciles pour les enfants, trop difficiles pour les adultes »
Dès les premières mesures de cette suite, on est saisi par l’ampleur de la sonorité de l’instrument de Sonia Wieder-Atherton, un splendide Goffriller de 1710 produisant un souffle à l’image d’un orgue d’église. Surpassant les difficultés techniques (octaves en double cordes) notre artiste fait régner un profond silence lors de ces grands développements polyphoniques dont sont issus également les sonates et partitas pour violon seul.
De cette œuvre culte, Roland de Candé évoque des « splendeurs sonores » émanant de traits larges et envoûtants, tendres et délicats.
Bien qu’issues de musiques de danses, la gravité, la noblesse, la mélancolie, y sont présents.
La Cinquième Suite, qui débute par un prélude obscur se déploie dans une alternance de rythmes binaires et rythmes ternaires lors des deux gavottes, enjouées et dansantes et s’achève par une gigue alerte et sémillante.
Les tonalités choisies appartiennent à la logique musicale de Bach: égal nombre de suites en majeur et mineur, structure rigoureuse, éclairée par un contrepoint très sophistiquée.
Les duos Sonia Wieder-Atherton et Alexandre Paley.
Les 3 sonates pour viole de gambe et clavier, BWV 1027-1028-1029, composées entre 1726 et 1731 ne sont pas à l'origine pensées pour la seule viole de gambe mais au profit de transcriptions d'œuvres écrites pour divers instruments dont le piano moderne.
Ce sont des pièces de grande maturité du Cantor qui coïncident avec ses années au Collegium Musicum de Leipzig, Bach caractérisant chacune de ces pièces par une inventivité, une expressivité, une fantaisie inégalées. Les ressources polyphoniques du clavier y sont exploitées à chaque mesure.
Le jeu d’Alexandre Paley aura parfois souffert d’un tempo instable, d’une esthétique mouvante entre jeu staccato, percussif et d’un autre marqué par une lenteur d’une poésie inopportune qui défait une ligne de chant en opposition avec la rigueur affirmée du violoncelle de Sonia Wieder-Atherton. Véniel reproche, quelques décalages entre nos musiciens lors de l’adagio de la sonate BWV 825, mais celle-ci s’achève sur un splendide allegro réjouissant un public fervent.
Du haut de ses nuages, Bach, lui de même, approuve ce récital.
« Tout est dit… »
GAl
© Easyclassic - 03/08/2017
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