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Opéra de Marseille
Mireille de Charles Gounod Mai 2009

Février 1863, de Frédéric Mistral à Charles Gounod: «…vous n’avez vue Mireille que dans mes vers. Mais venez à Arles, à Avignon, à Saint-Rémy, venez la voir quand elle sort des Vêpres, et devant cette beauté, cette lumière et cette grâce, vous comprendrez combien il est facile et charmant de cueillir ici des pages poétiques… » C’est ainsi que le séjour de Gounod dans les Alpilles va nourrir son opéra « Mireio ».
La carrière de Mireille aura été une succession d’échecs et d’incessants remaniements. Son succès fut tardif et sa programmation espacée. Dernière apparition à l’opéra de Marseille : 1971, plus 40 années, c’est dire !
Le mérite de Robert Fortune, metteur en scène de cette Mireille, aura été de ne pas nous donner plus à voir que le contenu de cet opéra. Mireille ne vise pas au chef d’œuvre, le livret ne relève pas de Da Ponte, les personnages, sans manquer d’épaisseur, vont simplement leur chemin sans détours et la musique, d’une bien belle facture, soutient tout ce petit monde avec sérieux et élégance. C’est donc un joli conte provençal, on y danse de gracieuses farandoles à la Leo Lelée, on célèbre les saisons, l’olivier et le mûrier. Tout est en ordre jusqu’au jour où les amours d’un Roméo et d’une Juliette locales vont troubler le cours des jours de ce monde de santons.
Mireille (l’œuvre) ne se poussant pas du col, encore ne fallait il pas dramatiser personnages et situations. Chez Frédéric Mistral, les caractères ne sont pas excessifs. Les arlésiennes ne rêvent pas de destin à la Carmen et les bouviers camarguais (cow-boys locaux) sont rudes mais pas vraiment menaçants. A preuve, quand Ourras, leur chef, atteint Vincent, son rival, de son trident, c’est par maladresse et il s’en désole. Amoureux de Mireille, ce même Vincent, laissé pour mort, ressuscite. Quant à Mireille, traversant la Crau, elle meurt victime d’une insolation, pas d’une main armée ni d’un poison sournois. Et si son père, outré de la mésalliance, chasse sa fille, il n’est pas Des Grieux père, loin de là…
Frédéric Mistral aurait’il adoubé cette Mireille, incarnée par la soprano Hye Myung Kang (*) ? Certainement, car la jeune coréenne joue son rôle tout en nuances, sans surligner ni ses troubles amoureux ni son défi à l’autorité paternelle. Son chant, correctement projeté, clair et doté d’un beau phrasé bénéficie d’une diction convenable. Sa retenue naturelle fait merveille dans l’air « Heureux petit berger », un temps fort de cette partition.
On se souvient de Sébastien Guèze, ici Vincent, le vannier amoureux. Nous l’avions apprécié pour sa prise de rôle dans le « Marius et Fanny » de Kosma, sur cette même scène, en alternance avec Roberto Alagna. Présence élégante, silhouette de jeune premier, Sébastien Guèze possède de solides moyens vocaux, sa diction est sans faille et son chant doté d’une belle musicalité. Voici un ténor classique à l’avenir plein de promesses. Mais, un cran au dessus, rayonne la Taven de Marie-Ange Todorovitch. Notre mezzo vedette, merveilleuse Alexandra dans Colombe ici en 2007, impressionnante Mère Marie dans le Dialogue des Carmélites en 2006, ne cesse d’acquérir présence et prestance. Comédienne d’une aisance absolue et qui jamais ne surjoue, elle nous aura ravi par un timbre opulent et moiré, par une ligne de chant qu’on écoute les yeux fermés. Et si le reste de la troupe se fond dans l’homogénéité de cette distribution, il faut décerner un accessit au baryton d’Alain Vernhes, une force en marche, un vrai « seigneur » bien dans l’esprit de ces « mèstre » au centre le l’œuvre de Mistral. Des chœurs parfaitement réglés, un orchestre réactif et cohérent sous la direction d’un Cyril Diederich assez souverain finissent de parfaire un spectacle qui, s’il ne prétend pas à l’immortalité, aura procuré trois actes d’un beau plaisir à un public enchanté.

Gérard Abrial
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© Easyclassic - 04/06/2009