Sortie en DVD Clara, Johannes et la musique de chambre (à coucher)
C’est une vieille lune, une question sans réponse, un débat jamais prescrit : Clara (Schumann) et Johannes (Brahms) étaient-ils amants ? Pas une biographie de l’un ou de l’autre, pas un ouvrage sur le romantisme allemand qui n’alimente une controverse pourtant de peu de poids puisque loin du fait musical, stricto sensu.
Helma Sanders-Brahms, réalisatrice de ce film, a choisi de faire de cette question le fil conducteur de son récit, optant délibérément pour la version d’un amour non-platonique.
Petit rappel chronologique : Clara, 40 ans, veuve de Robert, se trouve libre d’entamer (ou de poursuivre) une relation avec Johannes Brahms âgé de 26 ans. Celui-ci a été « adopté » par le couple 6 ans auparavant. Après des années de grossesses successives, affranchie des épreuves liées à la maladie de Robert, Clara retrouve enfin son piano et, à plein-temps. Poursuivant sa magnifique carrière de pianiste, elle sera acclamée dans toutes les capitales européennes et ce, jusqu’à sa mort en 1896. Brahms ne lui survivra que quelques mois. Le récit d’Helma Sanders se limite aux « années Schumann » à Düsseldorf. Johannes Brahms apparaît, Robert sombre dans les intermittences de la folie et Clara s’épuise à maintenir à flot une famille sans ressource.
Dans ce contexte, il paraît concevable que cette femme, courageuse mais accablée par les crises de Robert, recherche plus qu’un réconfort moral en la personne du jeune et fantasque compositeur Johannes Brahms. Etrangement, cette thèse que défend Helma Sanders se récuse elle-même. Lors d’une unique scène d’amour, Johannes tente en vain de susciter un désir chez Clara, à cet instant, inerte, résignée et qui compte les mouches au plafond. Plus tard, le compositeur des danses Hongroises avouera son goût pour les prostituées qui, elles, se dispensent volontiers des préliminaires.
Multipliant les effets de loupe parfois confus sur ce trio de génies, Helma Sanders peine à retenir notre attention. Mais, paradoxalement, c’est à la périphérie de sa cible, (la relation Clara-Johannes) que se trouve le « bon » sujet de son oeuvre.
Servi par un admirable Pascal Gréggory, c’est du côté des épisodes de démence de Robert que ce film prend toute sa valeur. Vrai débat ou faux ébats ? Ici, la folie est plus attirante que l’amour.
Schizophrénie ? Psychose maniaco-dépressive ? Tendance suicidaire héréditaire ? C’est récemment qu’un diagnostique irréfutable est apparu, grâce à la découverte d’archives médicales.
Schumann a souffert d’une paralysie générale due à une syphilis. Les manifestations de ce mal ont aggravé sa nature mélancolique, tourmentée et suicidaire. Pascal Grégory révèle à merveille la personnalité de Schumann. Faciès alternativement impassible puis déformé par la douleur, épisodes de créativité artistique maîtrisée alternant avec des comportements démentiels…le tableau clinique est parfaitement restitué et l’acteur, avec la plus grande sobriété, relate le naufrage de la raison du compositeur.
L’évocation de Clara, musicienne admirable, méritait mieux que le récit de sa seule relation avec Brahms.
A la question : « Avez-vous aimé Brahms » ? Clara répond par le silence.
Car Robert qui l’aura aimé jusqu’à la folie, par sa musique, ne s’est jamais effacé de sa mémoire.
Gérard Abrial
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© Easyclassic - 02/04/2010
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