Opéra de Marseille Décembre 2011 Roberto Devereux G Donizetti.
Les lyricomanes les plus instruits, les plus sincères aussi, avouent : « Non, vraiment, Mariella Devia,(*) ça ne nous dit rien.. » (pas plus que le signataire de ces lignes…)
Achevant la lecture de la bio de cette soprano italienne, déplorant le poids de nos lacunes, on s’écrie : « Mais quelle carrière… ! »
De « A » comme Aubert, à « V » comme Verdi, de « A » comme Amina (Somnambule-Bellini) à « V » comme Zelmira ( Zelmira-Rossini ) Mariella Devia a tout chanté, Wagner excepté.
Age avoué : 63 ans, ce qui ne fait guère plus de 40 années d’une existence à parcourir les scènes lyriques des quatre coins de l’univers. Mais, a contrario de ses consoeurs plus que sexagénaires (Teresa Berganza , Kiri Te Kanawa, Joan Sutherland, June Anderson et bien d’autres encore) qui ont un temps ignoré leur déclin vocal et pour certaines, franchi la ligne jaune du concert de trop) Mariella Devia a conservé une voix insolemment printanière. Dès son premier duo avec Sara, notre ouïe se délecte de la clarté de sa diction, de la ductilité de son phrasé si naturel, d’une ligne de chant solaire, d’une projection qui ne sent jamais l’effort et surtout…surtout d’une voix remarquablement…musicale, spécificité qui est loin d’être l’apanage de toutes nos divas. Ce chant si prenant, de surcroît, exprime avec une grande sincérité les multiples états d’âme de cette « reine vierge » confrontée à des sentiments, comme toujours à l’opéra, pour le moins, extrêmes et souvent, histrioniques.
Sans décors, sans mise en scène, surexposée face au public, cette seule voix, dans sa nudité, va nous toucher au cœur plus de 140 minutes de temps. Mais quid des Sara, Nottingham, Devereux…?
Tout le mérite de cette production tient à l’homogénéité de son plateau vocal. Béatrice Uria Monzon, dans le difficile rôle de la confidente mais rivale envahie de remord, nous émeut par la sobriété de ses accents. Acte 1, scène 1, c’est en apnée que nous écoutons son « All' afflitto è dolce il piante.. ». Mezzo à la voix jouant d’un nuancier des plus subtils, sa Sara, sombre et dramatique, est littéralement envoutante. Tout aussi crédible est son époux, le baryton Fabio Maria Capitanucci. Physique d’haltérophile bulgare, voix puissante et sonore, Nottingham nous alerte sur son destin et ses tourments avec une conviction touchante. On notera sans s’attarder un phrasé un peu sommaire et déclamatoire, un souffle en fin de texte parfois laborieux et un recours répétitif à une main posée sur un cœur telle une preuve (bien inutile) de la sincérité de ses affects.
Le cas de Stefano Secco-Roberto Devereux relève du paradoxe. Bienheureux les spectateurs qui, version de concert aidant, ont cru en lui les yeux fermés. Voici le chant d’un ténor, allant, vaillant, éloquent qui, vocalement, excelle à incarner le sort d’un homme pris dans un des pires destins que l’opéra belcantiste a jamais imaginé. Mais pour les amateurs de vraisemblances « physiques » le compte n’y est pas. Car ce Roberto Devereux, conte d’Essex, supposé défaire les armées ennemis et subjuguer les cœurs les plus royaux ne peut, valablement pas, s’incarner sous les traits de cet artiste à l’apparence plutôt anodine, épée de bois et heaume de guingois.
Plus crédible est la direction vive, nette et assurée d’Alain Guingal. L’orchestre de l’opéra phocéen, avec les ans, se hissant au niveau des meilleures formations nationales cautionne, dans son domaine, la grande aventure "Marseille capitale de la culture 2013." Une belle soirée d’opéra, telle une parenthèse anti-crise. Exemple à suivre
Gérard Abrial
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© Easyclassic - 15/12/2011
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