Festival de la Roque d’Anthéron 2016
Sélection commentée
Avant-propos
Cette sélection commente un nombre limité de concerts, presque exclusivement des récitals de piano, le cœur de ce festival. Pour autant, elle ne déconsidère pas les genres non évoqués (concerts dits de «prestige», musiques baroques, œuvres chorales, jazz…)
La réputation de ce festival tient à sa vertu majeure : faire connaître les talents émergents, ceux de la génération des 20-30 ans. Parmi eux, des lauréats des plus importants concours de la planète et ceux déjà lancés dans des carrières internationales.
Originalité, audace, défis, interprétations re-oxygénées…présents à leur concert, vous pourrez dire : « J’y étais… »
A quelques exceptions près, je ne cite pas les grands « fauves » du piano. Ils sont célèbres, leur nom parle d’eux-mêmes et ils n’ont guère besoin de ma promotion…
Si vous m’y autorisez, quelques principes et autres conseils :
-la vedette de ces récitals, c’est avant tout le compositeur. L’interprète est à son service. Pas l’inverse. Aussi, consultez le programme. Si Prokofiev vous insupporte, Grigory Sokolov lui-même n’y pourra rien. Si Mozart vous enchante, précipitez-vous-même si l’interprète vous est inconnu.
-En résumé, sachez distinguer l’éphémère (l’interprétation) de l’éternel (l’œuvre)
-Si votre discothèque comprend des œuvres choisies par vous, réécoutez-les. Ainsi, prendrez-vous d’autant plus de plaisir à les entendre sur scène.
-Cette sélection est le fruit de mes rencontres avec (pratiquement) tous les pianistes présents à La Roque. Ainsi, je crois pouvoir témoigner d’un état qui ne se définit pas plus qu’il ne se mesure mais que le public néophyte ou mélomane éprouve et ressent : le charisme. Une chose est d’être un excellent interprète, une autre est de transcender son art, de créer une densité émotionnelle, d’entrer en résonnance avec un public. Une alchimie.
Ce choix ne mentionne volontairement pas quelques (très rares) artistes, pourtant largement médiatisés. Indices alarmants : interprétation fondée sur la séduction, prédominance de la virtuosité, effets histrioniques, jeu marqué par l’effort…beaucoup de notes, peu de musique…Fuyez les fausses valeurs.
La sobriété raffinée d’une Anne Queffelec, la rutilance maîtrisée de Nikolaï Lugansky, la sincérité naturelle d’un Christian Zacharias sont autant de modèles de comparaison.
- Le concert entamé, à votre vue, préférez votre ouïe.
-Le concert achevé, sachez que si deux auditeurs ont entendu la même musique, ce n’est pas la même musique.
La musique n’est pas une affaire d’intellect. Plaisir, bonheur, passion…elle est avant tout sensuelle.
Je vous souhaite des belles rencontres musicales, envoûtantes et mémorables.
GA
22 juillet Récital de Bertrand Chamayou
Orchestre national de Lyon
Ouverture de rideau=consécration
Depuis des années, le concert inaugural était l’apanage de grandes stars tels Boris Berëzovski, Nicolas Angelich, Denis Matsuev, Nikolaî Lugansky…
Voila donc tous les talents de Bertrand Chamayou ainsi consacrés et c’est bien mérité. La carrière de cet artiste s’est épanouie sans hâte ni coup d’éclat, s’imposant sereinement par les vertus du travail et de la modestie. Très subtil, simple et naturel, Bertrand Chamayou est le pianiste de la fluidité. Sa capacité à offrir la musique au public sans effort et sans effet est admirable. Deux monuments du répertoire à son programme : Le 5 de Saint-Saëns et le sol majeur de Ravel.
Bertrand Chamayou ou la star anti-star.
24 juillet : Récital de Barbra Hendricks
Le blues, chant de souffrance et d’espoir.
Prudemment retirée des grande scènes lyriques, Barbra Hendricks se consacre avec bonheur à un répertoire dont elle est issue : le blues, celui de ses inspiratrices : Bessie Smith et Billie Holiday.
L’inoubliable Mimi de la Bohème, la sensible Belle Meunière des lieder de Schubert, la généreuse ambassadrice de bonne volonté auprès du Haut Commissariat auprès des Réfugiés…Barbra Hendricks est une légende non encore statufiée, une présence rayonnante.
25 juillet Récital de Lucas Debargue
C’est une sorte d’ovni, totalement méconnu voici quelques mois. Classé quatrième au concours Tchaïkovski de Moscou en 2015, Lukas Debargue a généré une avalanche d’éloges dont ceux assez spectaculaires de Boris Berëzovski et Valery Gergiev. Je ne crois pas me souvenir en 34 années de présence à La Roque de l’apparition d’un artiste tombé des nues, jouant à l’heure des célébrités dans le grand Parc. Programme impressionnant dont la terrifiante Sonate de Liszt. Lire l’étonnante interview de Lucas Debargue sur France Musique. On compte les heures.
http://www.francemusique.fr/actu-musicale/rencontre-avec-lucas-debargue-phenomene-pianistique-103027
27 juillet Théâtre Silvain Marseille.
Nouvel espace de la Roque hors ses murs, le théâtre Silvain accueillera 8 pianistes de renom, fidèles artistes du festival. Proximité géographique des Mailomanes aidant, programme certainement « grand public »…un rendez-vous intéressant. Encore faut-il que le mistral, élément sournois de ces lieux, n’offre pas pupitres et partitions aux vols de goélands.
27 juillet : Récital de Lukas Geniusas
Dilemme car tentation n°2 ce 27 juillet.
Août 2012 : sur la grande scène du parc de Florans, se présente un artiste russo-lituanien, de nous inconnu mais précédé d’une belle réputation. Un cv de Gengis Khan des concours internationaux, formaté conservatoire de Moscou. A son programme, les 3 sonates de Chopin, œuvres labélisées des légendaires Rubinstein, Lipatti ou Perlemuter. Challenge bien audacieux pour un musicien, espérant y laisser sa trace. On ne va pas détailler les talents du prodige mais parmi ceux-ci, en isoler un qui le distingue : son charisme.
Depuis, Lukas Genusias, 26 ans cette année, a confirmé ses remarquables talents, second lauréat du concours Tchaïkovski 2015., concerts aux quatre coins de la planète, CD plébiscités…tout réussi à notre prodige.
Du ronronnement au rugissement…Lukas Genusias : un fauve.
28 juillet Récital de Grigory Sokolov
Et les sourds entendront (Esaïe 29:18)
29 juillet, Récital de Jean-Philippe Collard Théâtre de Gordes
Invité entre 2014 et 2016 par nous (Mailomanes, Festival de Santa-Reparata, Musée Vouland Avignon, Festival d’Hyères) le lecteur aura compris que nous ne faisons pas mystère de l’admiration que Jean-Philippe Collard nous inspire.
Cet artiste est exemplaire des vertus qui nous touchent :
Elégance de la sonorité, hauteur de vue du propos, phrasés naturels, présence charismatique…
L’amateur de récitals « intimes », de musiques proches du public, prendra du plaisir à la belle adéquation entre Jean-Philippe Collard et le théâtre de Gordes. Mais aussi à celle entre notre pianiste et un Chopin qui nous parle, se confie, se livre avec la plus naturelle expressivité.
Du grand art.
3 août : Jan Lisiescki
Ici, à La Roque, les horaires de passage des artistes sont comme autant d’indices du niveau de leur talent. 18h, baptême du feu pour les pianistes les plus jeunes, 20h pianistes en voie de consécration, 21h30 musiciens à leur apogée.
Mais à 20 ans, est-il à son apogée, ce prodige canadien né en 1995, pour figurer à l’horaire des grands félins ? Sûrement pas car Jan Lisieski dispose d’une marge de progrès considérable. Souvenons- nous de son remplacement au pied levé de Nelson Freire en 2010.
Les esprits grincheux ne pourront que s’incliner face à ce niveau de maturité musicale, de maîtrise technique sidérante, d’expressivité en terme de couleurs, de timbres, d’élégance, de pyrotechnie de chaque instant. A ce degré de perfection, cela tient soit de l’occultisme soit d’une prédisposition relevant de la neurologie.
Jan Lisiescki revient cette année dans le concerto n° 20 de Mozart mais se fera aussi accompagnateur de la soprano Chloé Briot dans cet air à fondre de plaisir qu’est le « Chi’o mi scordi di te » K 505 du même Mozart.
5 août David Kadouch
Orchestre Philarmonique de Marseille
Direction Lawrence Forster
David Kadouch, ex petit lutin du clavier, vibrionnant farfadet hyper doué, a tracé sa route avec une avidité et un enthousiasme communicatifs. Au point de contaminer ses parrains, Daniel Barenboïm et Itzhak Perlman, le légendaire violoniste avec lequel, à l’âge de 13 ans, il joua au Metropolitan de New-York.
Après être passé par des rencontres avec quelques prestigieux maîtres : Murray Perahia, Maurizio Pollini, Elisso Virssaladze et Dmitri Bachkirov à l'école Reina Sofia de Madrid, David Kadouch sillonne la planète, soliste comme concertiste.
Parmi ses nombreuses distinctions, celle de la Révélation Jeune Talent des Victoires de la musique 2010 et du Young Artist of the Year aux Classical Music Awards 2011.
Familier de la Roque, il se produit cette année avec un orchestre qui nous est proche géographiquement comme artistiquement : celui de Marseille et de son chef, Lawrence Foster, bon génie d’une formation revenue à son meilleur niveau.
7 août Récital de Behzod Abduraimov
Familier de l’accueil de musiciens venus de lointaines contrées, le festival n’avait jamais invité un pianiste ouzbek. Né à Tachkent en 1990, Behzod Abduraimov reçoit son enseignement au conservatoire de cette même ville, puis se perfectionne au Center for Music de Park University, de Kansas City. Ce talent aussi précoce que hors du commun, va se produire avec quelques prestigieux orchestres : Los Angeles Philharmonic (James Gaffigan), Boston Symphony Orchestra (Charles Dutoit), London Philharmonic Orchestra (David Zinman), NHK Symphony Orchestra (Vladimir Ashkenazy) et le Czech Philharmonic Orchestra (Jiri Belohlávek) Mariinsky Orchestra (Valery Gergiev).
En 2014, au programme de notre jeune artiste, le concerto n.1 de TchaIkovski, œuvre ressassée, dont l’interprétation ne se justifiait qu’à condition de sang neuf, de véritable singularité, assorti de partis-pris audacieux.
Le piano de Behzod Abduraimov respire amplement, son dialogue avec l’orchestre est des plus naturels, conservant une forme de retenue dans les épisodes les plus virtuoses. Sans monochromie ni atonie néanmoins mais avec cette vertu propre aux véritables musiciens : la plénitude, une disposition émotionnelle toute proche de l’état de grâce. Un enchantement.
8 août Alexandre Tharaud
Voila un artiste dont la présentation est superflue, même pour les mélomanes occasionnels.
Aussi, entrons donc dans le vif du sujet, c’est-à-dire l’œuvre servie ce 8 août.
Les fameuses Variations Goldberg de Bach sont irrémédiablement marquées par deux interprétations de légende, aussi géniales que différentes : Glenn Gould version 1954, Glenn Gould version 1982. Soit un territoire occupé, ou une sorte de monopole aux mains de l’étrange pianiste canadien.
Aussi, les interprétations « concurrentes » se jugent elles comme un défi à l’absolu, au summum.
Pourtant, ces Goldberg existent hors Gould : par Zhu Xiao Mei, Daniel Barenböim, Simone Dinnerstein, Murray Perahia, Evgeni Koroliov.. A chacun sa vérité car des œuvres aussi sublimes doivent s’exposer aux rayons X de toutes les sensibilités.
Mais les tentatives réputées inabouties sont jugées sans aménité. Murray Perahia en 2000, Nicolas Angelich en 2015. Aussi, les adorateurs de cette œuvre viendront apprécier la version récente d’Alexandre Tharaud. Quand on sait les affinités de ce pianiste majeur avec Bach (concertos italiens, concertos pour clavecins..) on ne peut qu’aborder son récit avec le plus grand optimisme.
10 août récital Nathalia Milstein 18h Nikolaï Lugansky 21h
Tout est prévu à Roque pour ralentir le temps et flâner dans le parc de Florans et ses 365 platanes.
Aussi, faire une pause pic nic au pied des séquoias entre deux récitals est un plaisir bien romantique.
Mais aussi assister à l’apparition d’une artiste de nous encore inconnue et au récital plus tardif de Nicolas Lugansky, un rendez-vous au sommet.
Nathalia Milstein…Avec une presque homonymie (Nathan Milstein, violoniste légendaire) la musique ne pouvait qu’être un choix évident. Née en 1955 à Lyon, de parents musiciens, élève de son père dans sa classe au conservatoire de Genève, puis dans celle de Nelson Goerner, il suffit de mentionner quatre scènes où elle se fit récemment entendre : Carnegie Hall New York, National Concert Hall de Dublin, Wigmor Hall de Londres, Gewandhaus de Leipzig. A l’âge de 21…c’est tout dire…
Quant à son célèbre aîné, un prince du Steinway, il reprend pour une part son programme donné au théâtre des Champs-Elysées en février : Schubert et Rachmaninov. Ici, en ce 10 août, Tchaïkovski et Franck se feront entendre. Lugansky…l’anti Lang-Lang.
11 août Récital d’Anne Queffélec.
Anne Queffélec, qui apprécie et fréquente régulièrement notre auditorium du Pullman, nous charme sans réserve, sur scène comme hors scène.
Notre musicienne mène une carrière exemplaire fondée sur le naturel de ses interprétations, une modestie érigée sur un principe constant : le créateur ne se confond pas avec le récréateur, à l’opposé d’un Glenn Gould assez radical: « Je me refuse de penser que l’acte recréateur soit différent de l’acte créateur » . Auteure d’une intégrale des concertos de Mozart à La Roque en 2003, Anne Queffélec avec le divin Amadeus, vit en osmose, mettant en relief toutes les couleurs de son âme. Mozart, dont elle a enregistré la bande son du film Amadeus de Miloš Forman.
A son programme 2016, deux concertos dont le n° 10 K. 365 qu’elle nous offrira, à ses côtés Frank Braley, autre mozartien passionné. Un temps fort de la programmation 2016.
13 août Récital de Christian Zacharias
Autre mozartien de grande classe, complice historique de la Roque, Christian Zacharias nous a toujours subjugué par une présence traduite, certes par un lieu commun, mais qui, en ce qui le concerne, est irréfutable : son piano est vraiment le prolongement de son corps. Il n’est que voir l’autorité, l’élan, la détermination avec lesquels Christian Zacharias s’empare de son clavier pour nous abandonner à son écoute. A son programme, Scarlatti, Ravel et Chopin, ce dernier ayant fait l’objet d’une interprétation mémorable du concerto n° 2 en 2004, Christian Zacharias dirigeant de son piano son orchestre de chambre de Lausanne. Un état de grâce.
Réservation : 04 42 50 51 15.
12 aout: Récital de Matan Porat
Né à Tel-Aviv en 1982, Matan Porat, élève de Maria João Pires et Murray Perahia, en quelques petites années a connu de fulgurants succès. Liste impressionnante des scènes qui l’ont invité : Carnegie Hall, Auditorium du Louvre, Alte Oper de Francfort, Barbican Hall et Wigmore Hall à Londres Philarmonie de Berlin etc... Matan Porat a enregistré avec vaillance les Partitas et les Variations Goldberg de Bach. L’auditeur bien inspiré présent pour la version d’Alexandre Tharaud le 8 août pourra ainsi opposer ou rapprocher les Goldberg du pianiste israélien.
Matan Porat, créateur d’œuvres contemporaines, est aussi connu comme compositeur, certaines de ses créations s’inspirant de Kafka, Orwell et Thomas Mann. N’en jetez plus... ! Un cas…
14 août Récital d’Arcadi Volodos
Dans son roman «La tâche» Philip Roth évoque l’apparition sur scène d’un pianiste (Yefim Bronfman) si massif et imposant que le romancier dit l’avoir confondu avec un déménageur de piano capable de se saisir de l’instrument d’une seule main.
Arcadi Volodos, au physique similaire, apparaît et, tout en marchant, salue distraitement, prend place sur une simple chaise, plaque son dos sur son dossier et bras tendus, s’empare de son clavier. Une centaine de minutes plus tard, Volodos quitte la scène, salue distraitement un public qui, un long moment demeure muet. Virtuose sidérant, doté d’une autorité naturelle et d’une technique surnaturelle, l’artiste russe connut une période «démonstrative» (cf. Vladimir Horowitz…)
Après un isolement musical volontaire, Volodos revint sur les plus grandes scènes internationales fort d’une exigence, d’une profondeur de pensée, d’une puissance évocatrice hors-norme.
Porteurs de pacemaker, s’abstenir.
17 août Récital de Nicolas Angelich
Au sujet du concerto n° 3 de Rachmaninov :
« Parce que les virtuoses y trouvent leur content de prouesses mécaniques, les concertos pour piano de Rachmaninov encombrent encore nos programmes. Démodés, creux, n’ayant même pas conservé leur brillant, ils sont pour notre temps le pendant de toute la friperie des Henri Herz, des Czerny, des Thalberg… » (Lucien Rebatet (Histoire de la Musique 1969, édition « Bouquins »)
Féroce collabo, Rebatet va utiliser son savoir musicologique pour y distiller sa rage antisémite (Herz, Czerny, Thalberg…) Rachmaninov a été jusqu’à peu (années 60) malmené, méprisé, ignoré par l’ « establishment» musical. Il doit au « grand public » (qui se fiche de son procès stalinien en « sentimentalisme réactionnaire ») sa tardive réhabilitation. Les plus importants pianistes, conscients de la popularité de cette œuvre diaboliquement exigeante, se sont confrontés à celle-ci.
Nicolas Angelich dispose de tels moyens techniques, d’une virtuosité si sidérante qu’une déception est peu probable. Se confronter à ce monument et non s’affronter. Tel Rachmaninov en son temps…
Les concerts de 18 heures.
Initiative Idéale pour découvrir en famille les charmes des concerts à La Roque.
Horaire adapté, tarif accessible (entrée libre pour les moins de 16 ans pour une place achetée au tarif unique de 16 euros)
Programme « toutes générations » :
31 juillet Récital François Dumont : Chopin
1er août Récital Hervé Billaut et Guillaume Coppola : Brahms et Schubert
2 août : Récital de Gaspard Dehaene : Beethoven-Schubert-Chopin
7 août Récital de Dong Hyek Lim : Chopin
8 août Trio Wanderer : Schubert
13 août Concert des professeurs des ensembles en résidence.
14 août Philippe Hattat : Chopin
Programme complet sur : www.festival-piano.com
www.easyclassic.fr
06 14 88 19 24
© Easyclassic - 30/05/2016
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