Musicales du Luberon
La Création de Joseph Haydn
Effets dramatiques saisissants. Dans ces carrières, chaudron minéral aux hautes parois de pierre, l’orchestre expose le thème du chaos originel. L’archange Uriel évoque « les ombres horribles des ténèbres » et soudain, entre deux bourrasques de mistral, le chœur se dresse. Cet ensemble, (quatre-vingt huit choristes), imposante masse sonore, rivalise de sa voix puissante avec cette tourmente imprévue. Tutti de l’orchestre, stridences des cuivres, phrases tourmentées des cordes, le paroxysme vocal et instrumental enivre l’espace.
Et lentement, le silence revient. L’archange Raphaël, beau timbre de basse bien projeté, entonne les mesures initiales de son premier récitatif : « Et Dieu créa le firmament ». Les tensions se relâchent et le public se détend.
Le chaos selon Haydn terminé, la « Création » peut enfin commencer.
Pour maîtriser chœur, instruments et météo hostile, il fallait un chef assuré. Cyril Diederich fut l’homme de cette belle, étrange et tourmentée soirée. Direction nerveuse et incisive, il insuffla à l’orchestre lyrique de Région Avignon Provence sa belle énergie. Attaques claires, maîtrise des dynamiques sonores, rigueur expressive, une tension sans dramatisme outré parcourut cette grande fresque. Le chœur régional Provence-Alpes-Côte d’Azur fut très convaincant dans son homogénéité, doté d’une belle couverture dynamique et d’une présence « physique » qui atteste de ses convictions. Les trois solistes, Gabriel soprano, Uriel ténor et Raphaël basse se sont distingués par leur engagement et leurs qualités vocales. Dans un allemand convenablement prononcé, les airs, duos et trios furent cohérents et de beaux moments lyriques se firent entendre. Le récitatif obligé d’Uriel dans la troisième partie fut émouvant et le duo final d’Adam et Eve très réussi.
Pour cette première soirée des Musicales du Luberon, tout fut plaisir. La Création de Haydn, œuvre forte et difficile ne peut se révéler que par des interprètes talentueux. Un public nombreux et attentif fit une ovation à ce grand oratorio qui nous touche toujours par sa fervente simplicité.
Gérard Abrial
© Easyclassic - 25/07/2004
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