Opera de Marseille
« Signor Carminati, lei e benvenuto… »
La direction de l’opéra de Marseille vient de désigner Fabrizio Maria Carminati (*) comme premier chef invité. Ses deux passages sur la scène phocéenne ( Il Pirata en 2009 et Andrea Chénier en 2010) ont révélé un potentiel de bonne entente entre l’orchestre et un homme d’expérience qui fut directeur artistique des Arènes de Vérone, puis du festival Donizetti de Bergame. Le bilan de l’opéra de Marseille est excellent : toute une série de saisons réussies et des succès d’un niveau comparable aux meilleures scènes européennes ont justifié cette nomination. Public reconquit et conquit, gestion saine, confiance méritée avec le successeur de Renée Auphan, Maurice Xiberras…le futur vise un objectif : qualité, stabilité et pérennité.
Le programme de cette soirée du 12 février, très « orchestral » (Œuvres de musiciens européens du XX éme siécle : Finzi, Rota, Resphigi, Chostakovitch) confirme une cohérence soignée entre la phalange marseillaise et un chef architecturant sa vision musicale avec clarté et rigueur. Dans ces pages très « pyrotechniques » où tous les pupitres sont énergiquement sollicités, la cohérence musicale ne souffrit d’aucune réserve. Malheureusement, côté soliste, la « star » attendue, Mikhaïl Rudy, fut loin du « tsar » entendu. Dans le second concerto de Chostakovitch, cet artiste « planétaire », qui possède sur le bout des doigts un répertoire haut comme l’Everest, s’adaptant aux esthétiques orchestrales les plus variées, le front ceint de tous les lauriers, fut ce soir là « impeccable », étymologiquement : « sans défaut ». Hormis quelques décalages et autres dyssimétries avec la direction de Carminati, une curieuse impression planait sur l’interprétation du virtuose russe. Que notre soliste fut concerné par le propos de Chostakovitch, certes, mais impliqué…certainement pas. Pour exemple, l’andante, une infusion de mélancolie et de demi-teintes, se déroula en pilotage automatique, sans ces nuances et ces couleurs si séduisantes dans sa version enregistrée avec le London Philarmonic Orchestra qui nous avait « fait l’oreille » avant ce « live » du 12 février.
Hormis une indéniable présence digitale, qu’aurions nous aimé ? Un parti-pris esthétique affirmé, acclamé ou rejeté, une controverse opposant, sur le parvis de l’opéra, rudyphiles et rudyphobes. Enfin, en un mot: quelques sensations. Au terme de deux petits bis, se hâtant, la foule remonta son col et rentra chez elle.
Il y a des soirs où les 88 touches d'un Steinway ne produisent des sons ni blancs, ni noirs. Mais gris.
« Signor Carminati, lei e benvenuto » <
Gérard Abrial
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© Easyclassic - 18/02/2011
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