Maria Bayo, un cœur, une voix
Depuis des années, elle n’a plus rien à démontrer.
Engagée récemment à la Scala, au Liceu, à Garnier, à Covent Garden, son passage par Ménerbes (Provence) aurait pu faire croire, soit à un « passage à vide » comme en subissent bien des artistes, soit à une carrière qui plafonne.
Diagnostic erroné, la « diva », à l’apogée de ses moyens, est attendue en 2008 à Londres, Tokyo, Los Angeles, Cologne etc…Faute de spectateurs par milliers et d’une scène lyrique prestigieuse, on aurait pu s’attendre à un récital « en roue libre », du genre « prestation privée ». Celle que de grandes chanteuses donnent avec un brin de nonchalance.
Aux mesures initiales de son premier air de Mozart, toute crainte dissipée, la réponse est la suivante : Maria Bayo fait partie de ces immenses artistes qui chantent ou jouent comme si leur vie en dépendait. Ici ou ailleurs. A Ménerbes comme à la Bastille en 2004 pour un « Barbier » que nous gardons en mémoire, c’est bien la même grande dame.
Stupéfiante et irrésistible Maria Bayo.
Sur cette scène de l’église de Ménerbes, accompagnée d’un Maciej Pikulski, attentif, attendri, délicat, un brin réservé dans les « canciones » de Montsalvatge, Maria Bayo irradie, rayonne, captive.
Mais ce n’est pas tant la voix qui séduit. Non, bien au-delà, c’est cette énergie qui parcourt un corps qui chante, un corps qui dit Mozart, qui restitue tous les sentiments de ses personnages. Aucun déhanchement, aucune cambrure, aucun bras lancé vers le ciel ou main qui caresse l’air qui ne soit dans l’harmonie d’un aigu de cristal, d’un médium de velours, d’un grave de moire.
Et quand la silhouette de Maria Bayo se love dans l’incurvation du piano, c’est pour murmurer un trait d’un legato à faire pâlir bien des sopranos. Sa ligne de chant, qu’on a pu comparer à celle de son amie et confidente Térésa Berganza, si elle a toutes les vertus, en a de surcroît une rare et émouvante : celle d’une musicalité aussi simple que profonde.
Maria Bayo possède les aigus les plus faciles qu’on puisse entendre. Elle s’en amuse de ces notes agiles et légères, transparentes, jamais acides et si naturelles dans les vocalises comme dans les trilles.
Le programme « canciones espanoles » fut aussi un moment de pyrotechnie vocale. Que de guirlandes de couleurs, d’expressions entre douce mélancolie et espièglerie amusée ! Pas un instant d’ennui. Seul regret des non-hispanophiles, celui de ne pas saisir les subtilités des textes.
Moulée dans un très sexy fourreau d’un bleu électrique, animal de scène (de ménage ?) Maria Bayo, chantant Montsalvatge, nous ferait penser fugitivement à une Liza Minelli venue des Asturies par sa joie de chanter, son élégance, son talent.
Et le public, conscient de recevoir un cadeau, lui fit une ovation.
Les Musicales en Luberon poursuivent avec succès le chemin du partage en musique.
A la veille de ses 2O ans, elles pourraient reprendre à leur compte le mot de Jean Vilar, célèbre voisin : « Ici, de l’élite pour tous. »
Gérard Abrial
www.easyclassic.com
© Easyclassic - 31/07/2007
|