La folle soirée de Nikolaï
Voici bientôt 10 ans que Nikolaï Lugansky se produit sur la scène de La Roque.
Le « Petit Prince de la Roque» draine plus qu’un public, mais vrai un fan club.
Le jeune russe n’aura cessé de séduire par ses Mozart clairs et délicats, ses Rachmaninov virtuoses, sensibles mais sans pathos, ses Chopin enivrants, mais jamais surjoués.
Seuls, ses Beethoven en 2005 nous avaient déçus par une lecture un rien intellectuelle.
Etrangement, malgré ses succès planétaires, le jeune homme romantique et souriant de ses débuts avait laissé place à un musicien au visage fermé, voire austère.
En cette soirée du 1er août 2008, les festivaliers de la première heure en conviennent, nous avons vécu, des heures inoubliables. Et les sourires et autres éclats de rire de Nikolaï Lugansky sont allés droit au cœur d’un public enthousiaste.
Cette longue « carte blanche à… » (3h30 sans les pauses) donnait l’occasion au moscovite de jouer avec des amis choisis. En trio avec Evgueni Petrov à la clarinette et Pavel Sporcl au violon (Contrastes de Bartok merveilleusement articulés), en duo avec Vadim Rudenko au piano (une Valse de Ravel du meilleur goût) et en duo encore pour la sonate piano et violoncelle de Brahms n° 2 avec un Alexandre Kniazev en état de grâce, Nikolaï Lugansky semblait aux anges.
Après ce récital entre bons copains, tous admirables musiciens, vint ce que les jazzmen nomment un « bœuf ». Cette pratique, aussi rare ici à La Roque que cet animal en Provence, pourrait inspirer le « milieu classique » de temps à autre. Nous attendions un bref bis, ce fut un concert après concert d’une durée d’une heure que nous offrirent la « bande à Nikolaï ». Nous aurait-on proposé couverture et thermos de café que nous serions bien restés jusqu’à l’aube tant la drôlerie et les émotions se succédèrent.
Digne et pâle, Evgueni Petrov entreprend de jouer un air sur une clarinette qu’il démonte en 5 parties depuis le pavillon, corps du haut, du bas, barillet pour ne plus souffler que dans le bec ( démo sur http://fr.youtube.com:80/watch?v=d1AHNhZXwc8) Hilarant.
Plus sérieux (malgré son violon bleu) Pavel Sporcl donna une Méditation de Thaïs d’une pureté de cristal, sobre, chatoyante et d’une sonorité de très grande classe.
Un signe d’ailleurs ne trompa pas...Les habituels « fugueurs » (auditeurs qui, se levant au milieu des bis, perturbent spectateurs comme artistes) se tinrent à leur place.
Et ainsi, tour à tour, en duo comme en trio, ces magnifiques artistes reçurent l’ovation d’un public qui aura, sans un bémol, apprécié leur générosité.
Et c’est ainsi que des amitiés partagées entre musiciens donnent à la musique une densité et une spontanéité magnifiques.
Assurément, la formule idéale pour convaincre de nouveaux mélomanes.
Gérard Abrial
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© Easyclassic - 04/08/2008
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