La Roque: concert du 5/8
Générations spontanées.
La musique de chambre est un genre qui se pratique en solo, duo, trio… et ainsi de suite jusqu’au nonnette, formation qui ne se consacre pas uniquement à la musique religieuse. Passons sur l’aspect purement musical pour évoquer les rapports délicats des instrumentistes entre eux. On sait que ceux-ci, jusqu’à l’orchestre dit « de chambre », se dispensent de la présence de ce grand médiateur qu’est l’homme à la baguette.
On sait aussi que de fameux ensembles, notamment des quatuors, se sont dispersés pour des histoires d’egos pas vraiment égaux. Phénomène connu qu’on osera nommer
« Syndrome du quatuor à discordes », appellation libre de droits pour psys en tous genres. Un autre facteur peut aggraver ces dissensions : la présence dans la même formation d’instrumentistes de générations différentes. Père sévère contre fils rebelle, la chronique de la musique de chambre est riche des violents désaccords pour une double-croche, de prise de bec pour un quart de ton, de ces précieux archets brisés après s’être mués en fleurets.
Le mélomane attentif, faisant fi des sourires convenus d’un premier violon donnant le départ à ses coéquipiers, entendra les effets de la mésentente. Prise de parole autoritaire, passage de relais tardif, écoute indolente de l’un envers l’autre, paroles coupées et réponses véhémentes…
Le concert donné le 5 août à la Roque mettait en présence de grandes individualités, tenant généralement le haut de l’affiche.
Outre que le piano et l’alto auraient pu aisément être les pères du violon et du violoncelle, ces deux derniers se trouvent être frères de sang dans la vie.
Le piano, dans les deux œuvres au programme, aurait pu, s’il l’avait voulu, prendre la place d’instrument soliste et se croire vedette d’un concerto.
L’alto, tenu entre les sonores arabesques du violon et le mâle rayonnement du violoncelle, aurait pu hausser le ton pour ne pas se laisser dominer par ses jeunes voisins. Quatre brillantes voix auraient donc pu se faire entendre, dans une rivalité de haute tenue.
Et bien, non. Une seule voix vint à nous: celle de Mozart.
Aux premières mesures du quatuor avec piano K493, le ton est donné. Stephen Kovacevitch(*), de la classe d’un Arthur Rubinstein, légendaire interprète de cette même oeuvre, va offrir au trio à cordes Caussé, Renaud et Gautier Capuçon la musique sur un plateau. Et ceux-ci vont le rejoindre pour une conversation des plus brillantes entre esprit concertant et conception purement chambriste.
A la suite, nous retrouvons dans le quatuor avec piano n°2 de Brahms cette complicité toute en fraîcheur, spontanéité, profondeur. La trame sonore est serrée, admirablement transparente, d’une parfaite intelligibilité. Ici à nouveau, l’entente est absolue et le plaisir de faire de la musique ensemble saute aux oreilles.
Et les regards complices et paternels des Caussé et Kovacevitch à l’endroit des jeunes frères Capuçon en disent long sur la confiance qu’ils ont en eux.
A ce niveau là, mélomanes confirmés ou simples amateurs ont perçu toute la sincérité des artistes à rendre la musique dans sa dimension la plus vraie, la plus accessible aussi.
La musique de chambre, c’est comme un art de vivre ensemble.
© Easyclassic - 09/08/2005
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