Musicales du Luberon 15 mai 2006 Eglise Saint-Luc Ménerbes
Retour vers l'intime
Ignorant ces versions par et pour un effectif de chambre, ce concert aura, non seulement comblé nos lacunes mais aussi offert un grand plaisir.
Si ces œuvres, dans leurs versions concertantes, nous sont familières, ici, loin d’être « diminuées » par un seul quintette, elles conservent leur pouvoir de séduction, dans l’esprit des versions de concert à l’opéra. Donc, aucune forme de frustration.
Il faut dire que les Terpsycordes, composé de musiciens de bien haut niveau, s’y entendent à révéler le meilleur de ce rare répertoire.
David Levely, quant à lui, se révèle assez souverain, sonorité luxuriante, plans sonores distincts, tempos maîtrisés, fluidité du geste.
Mais néanmoins, une réserve s’impose.
Puisque nous sommes aimablement invités à une écoute « chambriste » de ces deux concertos, nous aurons donc réglé nos ouïes sur les conditions sonores et stylistiques de l’époque : volume sonore soumis à un espace réduit (salons privés=auditoire limité) et clavier fondu dans les cordes favorisant, hors cadences, des échanges mesurés et confidents avec celles-ci.
Donc à l’opposé des versions concertantes qui supposent dans les passages vifs une rivalité sonore entre un clavier « volumineux » et une masse orchestrale qui l’est tout autant.
C’est ainsi que le jeu de David Lively, du moins dans les traits virtuoses, m’a semblé trop flamboyant, orchestral, un rien « extériorisé » et impérieux. Du grand et très architecturé « Steinway » à une époque où la facture du clavier, bien qu’en pleine mutation, n’offrait encore qu’une projection sonore limitée.
De surcroît, les conceptions interprétatives de Chopin regardaient encore en direction de lieux « intimes » et Beethoven, son aîné de 40 ans, dont on connait depuis peu la version autographe de son opus 4, justifie une lecture en cohérence avec l’esprit chambriste.
Seule, l’apparition de Liszt, phénomène extraverti au jeu aussi majestueux que rutilant, rendit légitime des jauges similaires aux nôtres, condamnant (hors transcriptions, paraphrases, réductions) progressivement les versions chambristes.
Néanmoins, voici un concert très plaisant en lever de rideau d’une programmation estivale qui s’annonce particulièrement séduisante.
Gérard Abrial
© Easyclassic - 16/05/2016
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