Opéra de Marseille
Livret d’après Marcel Pagnol
Musique de Vladimir Cosma
Septembre 2007
Bientôt dans le Kobé...
Les esprits chagrins en auront été pour leur frais. A lire l’affiche de cette création, ils redoutaient un « machin » mi opérette-mi-comédie musicale, accommodé à la sauce marseillaise par un « faiseur de tubes » de musiques de films (La Boum, Le Grand Blond, Rabbi Jacob.. ) pas vraiment admis au grand sérail qu’est l’Opéra. De surcroît, le devant de scène formé par le couple Gheorgiu-Alagna alimentait les craintes d’un spectacle « people » avec désistements et caprices.
Alors, ce « Fanny et Marius » de Vladimir Cosma ? Une grande et excellente surprise. Un opéra qui mérite son nom.
Dans la fosse la direction fine et convaincue de Jacques Lacombe (dont on déplore le trop bref passage en Avignon) mène un orchestre qui « sonne » dans les tutti sans brouillage sonore, qui se distingue par une belle homogénéité de timbres, par une fraîcheur de bout en bout du texte, par un plaisir de jouer évident.
Les chœurs si sollicités dans cette partition, hormis quelques brefs décalages à l’acte 1 sont vifs et bien réglés. La mise en scène de Jean-Louis Grinda ne « dit » pas plus qu’il ne faut et soutient avec efficacité et bon goût (ça existe.. !) la logique du jeu des acteurs.
Il était à redouter dans cette veine « couleur locale » si souvent caricaturée, le pittoresque, les effets soulignés, la « pagnolade ». Bien au contraire. Nous fumes enchantés par la sobriété du jeu des comédiens. Roberto Alagna au meilleur de sa voix (évidemment diction parfaite, émission d’une aisance confondante, musicalité désarmante etc…) offre un Marius d’un lyrisme contenu, d’une parfaite crédibilité dans sa progression psychologique. Dans le registre « vagabond des mers », ce Marius possède bien plus d’épaisseur psychologique que le Pinkerton de Butterfly.
Angela Gheorgiu, en peu un retrait vocalement et physiquement dans un premier temps, campe une Fanny frémissante, qui évolue par touches successives, jouant sur des contrastes entre aveux passionnés et digne résignation. La voix est superbe, couleurs subtiles, legato de rêve, émission naturelle et toujours une grande simplicité du chant.
Tous deux vivent ces amours contrariées avec une sincérité touchante, sans jamais forcer le trait. Qui n’aura pas été ému de leur émouvant destin s’interrogera…
Le César de Jean-Philippe Lafont, emporté, prévisible dans ses humeurs méridionales, se fissure confronté à une situation qu’il ne maîtrise plus. La voix reflète sans outrance et au mieux cet état d’esprit. La musique de Vladimir Cosma (*) qui s’abreuve aux sources de Brodway, Puccini, Sauguet, parfois Debussy, trouve néanmoins sa propre identité et évolue intelligemment entre airs, ensembles, duos ou quatuors. On pourra lui reprocher de prévenir le spectateur des moments forts sur scène, de le tirer un peu par la manche, voire parfois de se répéter. Quant au livret, (crainte du folklore?) il pêche parfois par de regrettables prosaïsmes, des répliques attendues, sans rebond.
Mais l’ennui ne menace jamais, le charme de cette œuvre fait son chemin, le destin de ce couple aux amours contrariées captivant tout notre intérêt.
Ce « Marius et Fanny » prouve aussi que la création contemporaine tonale peut connaître un succès populaire sans plagier le répertoire romantique ni en être un ersatz.
Et si le « Kobé » inscrit cet opéra dans sa prochaine édition, ce sera justice rendue à Vladimir Cosma pour un travail qui prouve son talent, tous ses talents.
Gérard Abrial.
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© Easyclassic - 11/09/2007
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