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Festival de la Roque d’Anthéron
Le 7 août 2010

Une morale, des musiques…

« Martha Argerich and friends »
En ce 7 août, affluence des grands soirs pour la venue de Martha Argerich à la Roque.
Cette artiste, une légende, un mythe, peut jouer « en marge » d’une programmation, en intitulant son concert : « Martha and friends » sans autre précision d’œuvres ni d’exécutants. Qu’elle vienne et tout lui sera accordé…
Marraine de tant d’artistes dont on ne tient plus le compte, elle-même de nature parfois imprévisible, on sait ses exigences. C’est donc les yeux fermés que l’on se bouscule à ses rares concerts.
Martha Argerich depuis bien des années, s’est détournée des récitals de soliste au profit de la musique de chambre et concertante. Version moderne des « Schubertiades », les soirées de Martha convient amis, élèves, collègues, sans autre logique que celle de jouer ensemble et d’y prendre plaisir.
Ses « friends » sont des musiciens, souvent jeunes, d’autres plus âgés, qui viennent à tour de rôle pour interpréter des duos piano-violon, piano à 4 mains, duo de pianos, duo piano-violoncelle…Martha dirigeant ce ballet depuis son piano ou depuis les coulisses. Une programmation très « sud » rendait hommage à Astor Piazzolla et Alberto Ginastera ainsi qu’à quelques autres compositeurs de nous inconnus : Eduardo Hubert et Alejandro Petrasso jouant ici leurs œuvres. Artiste rare mais présence irradiante, le violoncelliste Mark Drobinsky fit forte impression en duo avec la « maîtresse des lieux » dans la Fantasiestücke op 73 de Schumann. Seule ombre au tableau, le Märchenbilder op 113 de ce même compositeur réunissant Martha Argerich et sa fille Lyda Chen, altiste. Interprétation prudente, sans engagement de cette dernière dans une œuvre qui, pour être souvent élégiaque, n’en comporte pas moins un troisième mouvement enfiévré et galopant. Une partie du public regretta certainement de ne pas entendre son idole seule à son piano. Seule ou pas, la fascination éprouvée par cette artiste, même jouant entre parenthèses, est intacte. Les années passent et, sans aucun déclin, Martha Argerich rayonne, irradie, resplendit.

C’est tout à l’honneur de cette femme de cœur d’encourager les carrières de ses jeunes élèves tout comme d’inviter ses amies et amis, musiciens accomplis pour ces rondes musicales, jamais apprêtées, presque improvisées.
Martha Argerich déconstruit le « star system » au profit de son « team system » qui se déplace sur les cinq continents, le festival de Lugano étant au centre du petit monde de la grande pianiste.
Martha Argerich, c’est l’anti-narcissisme érigé en dogme, la générosité promue comme principe absolu, la sublimation des œuvres gravée dans le marbre.
A cette morale, on ne peut que souscrire et s’en faire le prosélyte.

Gérard Abrial
www.easyclassic.com

© Easyclassic - 09/08/2010