Opéra de Marseille
Elektra au pays de la vendetta.
Enfin…pas tout à fait…
Elektra est un cas pathologique, une hystérique qui sombre dans la démence et hurle sa douleur. Strauss la ainsi voulu.
La Colomba de Prosper Mérimée (pas plus sympathique) elle, est toute de férocité contenue, de froide détermination. La vengeance version Colomba est autant viscérale que culturelle. Culturelle car justifiée par la coutume corse qui ne relève plus de nos lois. La seule justice qui passe est celle que soi même on décrète. Ainsi le veux une tradition de nos jours, encore tenace. Tout chez Colomba appelle le meurtre. Et peu importe le prix à payer. Si le sang doit couler, qu’il coule. Dût-il être celui de son propre frère.
A un meurtre doit répondre un second meurtre. Un sacrifice quasi biblique.
Du haut de leur nuage, Médée et Antigone saluent leur sœur de sang.
Le grand mérite de cette création est d’avoir réservé ce rôle à Marie-Ange Todorovitch.
La mezzo méditerranéenne incarne vocalement, physiquement et psychologiquement une Colomba plus vraie que nature. Toute frémissante de cette primitivité insulaire qu’elle assume fièrement, notre Colomba parcourt la scène avec un port altier et, osons le dire, avec une manière de « dignité verticale» qui pourrait par instant susciter notre compassion.
«Stabat mater dolorosa..»(La mère douloureuse se tenait debout.. »)
Dans cet opéra, tout part de Colomba et tout revient à Colomba.
Autour d’elle, de bons seconds rôles, efficaces, vocalement homogènes et par les effets d’une mise en scène sobre et intelligente, rôles qui contribuent à la crédibilité de cette œuvre.
Certains opéras ont recours à la vidéo comme substituts,(ersatz..) à de véritables décors.Quelques vidéastes » qui ne se manifestent pas par un excès de modestie, viennent surajouter à la mise en scène, aux décors, aux lumières, leur propre message et, ainsi saturent des productions qui perdent en intelligibilité. Il faut ici dire les très réussies projections de Julien Ribes notamment celles de l’accostage du navire au tout premier acte. Simple. Esthétique. Efficace.
Un homme est au cœur de cette création. Jean-Claude Petit est connu pour ses talents musicaux dans les domaines de la musique de films, de la variété, du jazz. L’homme est aussi savant qu’éclectique et sans aucune prévention, l’opéra de Marseille l’a invité à illustrer cette Colomba.
Il y a bien des couleurs, du rythme, de la tenue et de la vigueur dans cette partition. Un très efficace soutien du texte.
Pour autant, a-t-elle un avenir autonome ? Allons-nous l’écouter « hors contexte » installé au chaud chez soi, entre amis dans un silence recueilli ? Pas sûr…pas sûr
Le livret signé Benito Pellegrin, quant à lui, est de la belle ouvrage. Il vient aux lèvres des chanteurs le plus naturellement du monde. Bien dans l’esprit, dans le langage de ce temps, il remplit sa fonction avec clarté, soulignant les temps forts du scénario sans se pousser du col. Allusif quand il le faut, riche de second degré, il contribue largement à la légitimité de cette Colomba à figurer dans le monde lyrique.< p>
Il faut souhaiter à cette œuvre de parcourir les maisons d’opéra, de rencontrer son public.
Elle le mérite.
Gérard Abrial
Ps : Une réserve pourtant, vénielle certes mais…la longueur des précipités et leur nombre rompent le fil du récit. Et son charme.
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© Easyclassic - 14/03/2014
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