Musicales du Luberon 23 juillet 2008
On dit « les Berliner » pour le Philarmonique de Berlin, le LSO pour le London Symphony Orchestra, le « Rach 3 » pour le 3 ème concerto pour piano de Rachmaninov et « Furt » pour Furtwängler. L’abréviation que le mélomane aime à employer (ainsi est-on entre soi) renseigne sur le degré de notoriété d’un orchestre, d’un musicien, d’une œuvre. Dans le monde baroque, on ne connaît qu’un ensemble désigné par son acronyme, le VBO pour : Venise Baroque Orchestra. Ne négligeons pas cette commodité langagière. Après avoir entendu ces artistes, on aime signifier que nous sommes familiers de leurs concerts. Et au béotien qui ne les connaît pas, on fera une mine compassée, un rien compatissante. Il y a de quoi.
Le récital des Vénitiens pour la seconde soirée de l’édition 2008 des Musicales du Luberon, (nous éviterons l’emphase) aura été admirable. Admirable et étonnant. Aux premières mesures du concerto en sol mineur « per archi et basso continuo » de Vivaldi, on n’en croît pas ses oreilles ni ses yeux. Sept musiciens sur scène qui produisent autant de son qu’un orchestre composé du double, voila qui tient d’un mystère qui se nomme « projection sonore ». Excepté le clavecin (assez souvent voilé et un peu en retrait) toutes les cordes du VBO, frottées ou grattées, rayonnent avec puissance et distinction. Des pianissimo, tout en délicatesse et finesse, aux fortissimo, éclatants et enivrants, le chant des Vénitiens est d’une homogénéité parfaite. Toutes les voix solistes sont animées de cette même ferveur musicale, de ce plaisir évident qu’ont ces musiciens de jouer ensemble. Chaque ligne est soignée, sans afféterie, chaque instrument irradie de timbres et de couleurs du plus parfait bon goût que ce soit lors des mouvements rapides ou des largos.
Sous leurs doigts, des partitions aussi courues que les opus RV 93 ou la fameuse « Follia » en ré mineur de Telemann, se parent d’une fraîcheur et d’un « style » qui les rendent irrésistibles. Telles les mimiques du luthiste Ivano Zanenghi (image), qui semble parfois s’enivrer de sa propre musique. De l’EPO chez les VBO ?
Il a été dit que les VBO et son fondateur, André Marcon, ont effacé des concertos pour violon ( Quatre Saisons notamment) les exagérations, les chromes, les épaisseurs, les tics que divers ensembles avaient déposés sur ces partitions. Allusion à Biondi et au Giardino Armonico ? Oui. L’enregistrement avec Giuliano Carmignola en 2005 et les Vénitiens a redonné aux mélomanes le goût d’œuvres si jouées et surjouées.
Il y a déjà 15 ans, les Musicales les avaient reçu. La formation est demeurée à deux solistes prés, telle quelle. Vingt ans après leur nnaissance, ils ensoleillent Vivaldi, Locatelli, Telemann, Cavalli.
De mémoire d’habitué de l’église de Ménerbes, jamais ovation ne fut aussi éclatante, soutenue, spontanée. Le bonheur dans toute son évidence.
Gérard Abrial
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© Easyclassic - 25/07/2008
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