Tosca à Marseille. Compte-rendu
Opéra de Marseille, 14 avril 2005
Tosca de G. Puccini. Compte-rendu
Toscadmirable....
Un plateau vide, vide et gris. Dans le brouhaha d’un public qui prend place, des miliciens jettent un condamné au sol et disparaissent. Les lumières s’éteignent et l’orchestre entame sa partition, sans ouverture ni prélude, par les trois accords parfaits de l’oeuvre. Rapidité, angoisse diffuse, sobriété…le ton de cette production est donné et les deux entractes à venir ne seront pas de trop pour que le public reprenne son souffle si ce n’est ses esprits.
Car ceux-là auront été quelque peu bousculés. Face à des souvenirs de tant de Tosca vus de ci, de là, on n’espérait pas vraiment une redécouverte, tout au plus un argument scénique original, une voix inconnue et qui mérite la célébrité. De ce point de vue et pour l’ensemble de cette production, nous avons été plus que séduits, nous fumes enchantés.
Le metteur en scène, Uwe Eric Laufenberg a construit son argument sur le traitement des axes principaux de l’œuvre : la passion de Tosca pour Mario, la passion de ce dernier pour les principes de liberté, la passion de Scarpia pour le pouvoir. L’amour, la vie, la mort. Et au final, le chaos.
L’écueil bien entendu est la démonstration, l’explicite. L’avantage du parti-pris du metteur en scène (rapidité de l’action mais, on se rassure, l’orchestre prend des tempis irréprochables) évite tout didactisme. L’esprit vériste fonctionne à plein régime, l’organisation fait la part belle aux ressorts psychologiques du trio Scarpia/Tosca/Cavadarossi. Et autre point fort de cette production, l’excellent accord aussi bien vocal que scénique des deux amoureux, parfaitement crédibles.
Tosca s’incarne sous les traits d’une magnifique soprano, Catherine Nagelstad(*). Présence impressionnante, projection vocale irradiante, musicalité enchanteresse, ligne de chant sans faille, on la suivrait jusqu’au saut final dans le vide. Et son « Vissi d’Arte » d’une simplicité et d’une pureté rares s’élève dans un silence qui dès les premières mesures frémit déjà des acclamations lancés à la dernière note. Une Tosca d’anthologie.
Giuseppe Gipali, ténor albanais récemment révélé, campe un Mario dense et profond. D’une vaillance vocale sans affect, aigus faciles et magnifiques pianissimis, on lui reprochera seulement une posture un peu bravache, jambes écartées, pectoraux arrogants…Mais les convictions qu’il défend, son courage, sa candeur émeuvent et convainquent.
Jean-Philippe Lafont ? On en frémit encore ! Cruel ? Cynique ? Emporté ? Non. Sadique….mais, sans excès sardonique, froid et calculateur comme un des bourreaux de Justine. La voix est souveraine, sans grandiloquence, souveraine dans la retenue et le naturel.
La direction d’Ivan Anguelov aura été d’une parfaite cohérence avec le plateau vocal. Quelques attaques parfois un peu brusques, des fortissimis un peu soulignés, n’ont pas affectés la très belle tenue de l’orchestre de l’Opéra de Marseille. Quant aux décors, ils jouent la carte de la simplicité, écrins dessinés pour amplifier encore plus la dramaturgie scénique et vocale.
Ainsi une telle œuvre, si présente dans nos esprits, a-t-elle été par l’intelligence d’une équipe, redécouverte dans toute sa force et sa beauté.
Le rideau tombé, sous les ors d’un théâtre rendu à son silence, on se dit que l’Opéra est le genre le plus revitalisant de tous les arts, un bienfait pour le genre humain, un bonheur à partager….
Gérard Abrial
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© Easyclassic - 18/04/2005
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