Festival de la Roque 2006 Temps forts
Démarche mécanique, silhouette pointue, arachnéenne et empruntée, tout en bras grêles et doigts interminables, il entre en scène, regard de myope tombé de la cime du séquoia voisin, totalement raccord avec la caricature du surdoué de la double-croche. Mais que fait ce pianiste de 24 ans au « 21 heures » de ce Parc de Florans réservé aux grands fauves ? D’ailleurs, inconnu ici, l’assistance clairsemée, l’accueillera par de quelques maigres applaudissements. Deux heures plus tard, ce même public restera de longs instants sur le coup de la sidération avant de faire éclater son enthousiasme. Signe qui ne trompe pas, aux toutes premières mesures « allegro » d’un Mozart K. 281 joué la veille par un Zacharias évidemment souverain, l’empreinte du ravissement parera les traits des mélomanes les plus suspicieux et ne les quittera plus, même pour un soudain Schönberg final offert en bis. Une manière de miracle.
Car enfin…Fallait-il que ce Mozart (invité permanent de cette édition 2006) soit vraiment sensationnel pour réveiller en nous un appétit passablement satisfait par les talents des Kovacevitch, Pennetier, Dalberto ou Staier…Et sensationnel, il le fut.
Jonathan Biss possède cette disposition naturelle qu’on pourrait croire évidente chez les musiciens et qui, de fait n’est pas si fréquente : la musicalité. Cette « grâce » acoustique vient confirmer sa profonde intelligence de la musique, une « conversation » vive et spirituelle, une aisance rhapsodique sans limite et sans afféterie. Plus tard viendra la sonate K. 457, si courue, que l’on redécouvre, par l’élégance de phrasés limpides, d’une ligne de chant d’un naturel confondant, servie par un legato de rêve, une main gauche sobre et puissante, une vélocité pétillante.
Et, au sommet de cet art, cette façon d’animer un Mozart, comme en le considérant de divers angles ou points de vue, parfois inattendus ou étranges, même dans les passages les plus convenus de l’écriture galante.
Aura-t-on entendu récemment, donné en bis (honte aux joueurs de mots.. !) mouvement lent de la sonate K 330 plus poignant dans sa simplicité ?
Jonathan Biss a 24 ans et le respect qu’il nous inspire vient de loin, des grands mozartiens disparus qui vivent dans nos émotions et qui, de leurs hauteurs, l’adoubent et l’acclament.
© Easyclassic - 23/08/2006
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