Jacques Offenbach La Belle Hélène
Du bienfait des excès.
L’Offenbach de nos jours est magnifiquement servi par deux voix féminines, Anne Sofie von Otter et Félicity Lott, cette dernière incarnant l’irrésistible et sans concurrence « Belle Hélène » version Pelly à la mise en scène et Marc Minkovski à la direction. Mireille Delunsch, Hélène de cette production de Jérôme Savary à l’opéra de Marseille n’est pas aussi désinhibée, fantasque, inattendue que ses deux ainées, bien que vocalement, elle ravit par la richesse de ses nuances, le soin de son phrasé, l’élégance de son timbre. Autant de vertus bien absentes chez le Pâris d’Alexander Swan. Projection plus qu’anémiée, court de voix, étriqué dans tous les registres, c’est un Pâris tout sauf capital.
Ces quelques humeurs évacuées, laissons aux superlatifs toute la place qu’ils occupent dans cette chronique. Quelle fête… ! Dans la fosse tout d’abord. Entre Nader Abassi et l’orchestre phocéen un courant non alternatif passe depuis longtemps. Savant dosage de rigueur et de liberté expressive, la direction d’Abassi est finement ciselée, claire, aérée, jamais démonstrative. Dans une partition où les « tubes » abondent, le chef égyptien ne se mue pas en meneur de revue prompt à souligner le trait de ces airs célébrissimes. Au plus fort des épisodes « Bienvenue au Lido » la finesse de ces musiques nous rappellent qu’Offenbach fut un compositeur d’une grande exigence et, si gaudriole verbale sur scène, dans la fosse, c’est de « grande musique » qu’il s’agit.
En trois actes nous sont offerts une orgie de couleurs, de mimes bariolés, de situations cocasses jusqu’à l’absurde, de jeux de mots calamiteux, d’outrances sans retenues. Le trio Calchas, Ménélas, Agamemnon exulte dans le genre Marx Brothers et on rit de bon chœur (celui réglé par Pierre Iodice, toujours excellent.)
Cette œuvre, d’où la mort violente, la vengeance recuite, la froide trahison, le chagrin d’amour létal, la féroce guerre de clans, l’hystérie primitive sont absents, se nomme « opéra. » N’en déplaise à l’orthodoxie lyrique.
De cette bonne comédie de mauvaises mœurs on sort l’âme allégée et un taux de cholestérol (effets du rire) en chute libre. Jubilatoire.
Gérard Abrial
© Easyclassic - 31/12/2010
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