Roque d’Anthéron-8 août 2012-J.Brahms concertos pour piano-Sinfonia Varsovia-Direction Jacek Kaspskzyk-Plamena Mangova-Adam Laloum piano-
Pas de J.O à La Roque Le propre des programmes où figurent plusieurs concertistes c’est de céder à la tentation de soumettre ceux-ci à un classement. Ce fut le cas ce 8 août. D’une part, Plamena Mangova confrontée au concerto n°1 de Brahms, de l’autre, Adam Laloum jouant le second. Grace à la longue et lente procession qui se déploie en direction du parking du parc de Florans, le chroniqueur musical, fondu dans la foule, a tout le loisir de tendre l’oreille aux avis, critiques, louanges, points de vue des festivaliers. A ce moment, ce même chroniqueur, muni d’un peu de courage, aurait du se saisir d’un porte-voix afin de modérer les commentaires des auditeurs. Mais à quel motif ? A celui d’une inégalité de traitement.entre nos deux concertistes
Les deux concertos pour piano de Brahms, bien qu’appartenant à une esthétique similaire, à des inspirations communes, écrits à une quinzaine d’années d’intervalle, pour les pianistes, ne sont pas comparables. Mais, avant d’entrer dans le vif du sujet, il nous faut dire deux mots sur ce que nos artistes ont eu en commun : l’orchestre Sinfonia Varsovia et son chef, Jacek Kaspskzyk. A ce dernier, on ne pourra pas reprocher une quelconque indolence. Sa direction fut vive, énergique, offrant beaucoup de contrastes entre les divers pupitres. Mais, ces « forte » tels des charges de cavalerie, ces « fortissimo » tels des déferlantes côté Cap-Horn, on les aurait préféré plus nuancés, notamment dans les attaques et lors des interventions des cors, ceux-ci plutôt envahissants. Mais quelle implication, quelle vaillance, quel abattage de la part de ces musiciens de tout premier ordre… !
Le premier concerto de Brahms n’est pas l’œuvre la plus accueillante pour des solistes dont la virtuosité s'exprime lors des affrontements avec l’orchestre. Ici le piano est traité comme un appendice de l’ensemble, un instrument complice de celui-ci, ce que désapprouvèrent les premiers auditeurs de ce concerto en 1856.
A l’issu de celui-ci, Plamena Mangova (*) se confirme admirable musicienne.
C’est ainsi que nous l’avions désigné lors de son premier récital à La Roque, le 6 août 2007. Son jeu, rayonnant, est riche d’une grande simplicité, d’une musicalité très naturelle, d’un goût parfait. Cette artiste, pour imposante qu’elle soit, n’impose rien qui ne relève de l’univers brahmsien, un univers souvent entaché de pesants et déclamatoires accents romantiques.
Le Brahms n°2 est conforme à la définition du substantif « concerto », c'est-à-dire vigoureuses oppositions, rivalités sonores, échanges affirmés avec l'orchestre…
Le piano s’exprime à de nombreuses reprises sur le mode de la rutilance, de la virtuosité, de la vigueur expressive. Il y a du Démosthène dès les premières mesures de l’Allegro introductif, du Jaurès dans la cadence. Adam Laloum n’a rien des Clifford Curzon, Van Cliburn, Vladimir Horowitz, ces grands pianistes « hollywoodiens » qui ont nourri nos premiers émois brahmsiens. Mais, non pas jugé en terme de quantité de notes, mais sur l’analyse de son « style », Adam Laloum aura su conférer à cette partition brio, élégance, profondeur de pensée sans verser dans l’ornière du torrent narcissique ou de la furia de séries d’accords vertigineux. Entre notre compatriote et la jeune musicienne bulgare, toute comparaison est donc vaine. Les compétiteurs, en ces temps de J.O, c’est du côté de Londres qu’il faut aller les admirer…
Gérard Abrial
www.easyclassic.com
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© Easyclassic - 10/08/2012
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