Musicales du Luberon Chronique 23 juillet Choeur Accentus Laurence Equilbey direction
Choses lues, vues, entendues.
Les chroniques de Gérard Abrial
Vêpres solennelles d’un confesseur KV 339
Messe du couronnement KV 317
Mozart ou la Clémence des Nimbus
Qu’in extrémis les cieux se soient dégagés pour faire place au céleste Mozart, n’était-ce pas de leur part la moindre des choses ?
Ainsi, tous les composants d’une soirée idéale dans le cadre du spectaculaire et minéral décor des Carrières de Lacoste (historiquement, aucun rapport avec le château du Marquis de Sade) et son mur de scène, modèle réduit de celui des Chorégies d’Orange étant réunis, sans plus tarder, passons aux aveux.
A l’issue de ce concert, avec juste la mini-dose de culpabilité nécessaire pour affecter notre bonne conscience, nous avons éprouvé un délicieux sentiment : celui de jouir d’un privilège à nous seul réservé : être au plus prés de la ferveur mozartienne.
Musicales, édition 2016
En lever de rideau de leur saison 2016, les Musicales du Luberon ont vu grand et prestigieux.
De mémoire, la scène des carrières de Lacoste n’avait que très rarement accueilli une telle assemblée. Soit, entre Insula Orchestra et le chœur Accentus, près de 70 exécutants. Sensations auditives impressionnantes… ! La scène s’éclaire, le silence se fait. Concentrés et souriants, choristes et musiciens prennent place.
Laurence Equilbey : un trésor national
Chef de chœur, de chant, d’orchestre, musicienne toutes catégories, femme de convictions, Laurence Equilbey est à l’art vocal et instrumental ce que notre Marianne des mairies est à un symbole : celui d’une icône de notre vie culturelle, une forme de fierté nationale. Dites « Accentus » et voici qu’apparaît dans l’esprit de l’amateur de musique chorale, cette jeune cinquantenaire unanimement reconnue pour offrir sur les scènes des plus grandes capitales du monde, un exemple de l’excellence française. Voici Arnaud Montebourg sur son propre terrain sérieusement concurrencé.
L’ADN d’Accentus
Accentus et ses 20 ans de rayonnement dans le monde choral, c’est le fruit d’un processus passionnant, celui de la synthèse de l’enseignement des maîtres de Laurence Equilbey.
Pour les harmonies intenses, le contraste des couleurs, le nordique Eric Ericson. Pour le refus du vibrato, la limpidité vocale, la britannique Denise Ham. Pour la maîtrise des contrastes, le sens du rythme, le finlandais Jorma Panula.
Puis pour la distinction des timbres, l’étagement des plans sonores, la clarté de la polyphonie, dans laquelle, fluide et souple, chaque voix dans chaque pupitre se fait entendre…Laurence Equilbey, sa science et son esprit.
Vêpres solennelles d’un confesseur KV 339
En 1780, tyrannisé par l’abrasif Colloredo, Mozart, déjà sur le départ pour Vienne, aurait pu s‘acquitter de cette oeuvre de commande par des séries de doubles croches routiniéres et anémiées.
Mais, quand il s’agit d’élévation musicale, Mozart céde aux sentiments, pas aux ressentiments.
Avez-vous déjà entendu plus admirable péroraison que celle de ce “Confitebor” ?
Et ce contrepoint miraculeux du “Laudate Pueri”?
Et ces sublimes “Incarnatus est et Ave verum”, chants d’absolue plénitude,
expression d’une sobriété qui confine au dépouillement?
Quant au “Laudate dominum”il me revient le souvenir d’un échange avec le regretté Roland de Candé commentant cette oeuvre : “Une illustration merveilleuse de la miséricorde”.
Messe du couronnement KV 317
Retour sur scène, énergie et engagement un cran au-dessus que pour les Vêpres.
Contexte similaire, tonalité identique (Ut majeur) expression de joie, d’espérance, d’innocence.
Et des « Et incarnatus est » et des « Crucifixus » comptant parmi les plus grandioses pages liturgiques mozartiennes.
D’une ferveur la plus limpide, voici un "Agnus Dei" à couper le souffle. Bienheureux les apnéistes.
Ici, Mozart ne théâtralise pas la liturgie pas plus qu’il ne s’inspire d’une quelconque métaphysique.
C’est de pureté dont il s’agit dans cette œuvre magistrale.
Accentus et Insula ont transcendé cette Messe, évitant un écueil commun à bien des ensembles emportés par leur ferveur. Lequel ? Celui de surjouer ou de « sur-chanter » jusqu’à saturation et inintelligibilité. C’est par ce contrôle de l’intensité vocale, cette légère rétention, ce refus de toute exhibition lyrique ou de rhétorique envahissante qu’est évité un mauvais pas : celui de nous submerger.
Sobriété…Naturel… Etat de grâce…Fusion et effusion… What else… ?
G.A
© Easyclassic - 27/07/2016
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