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Musicales du Luberon 2015 Soirée du 7 août

Diana Damrau, une si accomplie carrière.

Les carrières des Taillades sont un des lieux de rendez-vous des Musicales les plus adaptés au chant avec orchestre. Univers clôt de murs, scène visible par tout l’auditoire, sonorisation bien inutile…Aussi, une devise gravée sur le frontispice de l’entrée : « Au bonheur du bel-canto » y aurait sa place.

Les lignes de ce compte-rendu étant limitées, passons sur les incessantes et répétitives louanges ou hommages à la gloire de Diana Damrau.
La soprano colorature, qui affole littéralement les grandes scènes mondiales, est l’objet d’un vif débat qui divise l’univers lyrique. La soprano colorature allemande est-elle avant tout une voix phénoménale, ( Reine de la Nuit à Lucia di Lammermoor), de celle qui tombe des nues une fois par décennie, ou bien en premier lieu une prodigieuse comédienne (Traviata à Gilda de Rigoletto) de la trempe d’une Callas ?
Réponse qui va de soi : à part égale, Diana Damrau est une cantatrice-comédienne en perpétuel état de grâce, de celle à laquelle même le cœur le plus sec ne peut résister.

Que dire de récital avec orchestre ?
Trois vertus pas fréquemment rapportées mais pour nous essentielles, méritent un coup de projecteur.
1-Au chapitre de l’expressivité vocale de la soprano allemande, il faut lui tresser des couronnes de lauriers pour sa diction et sa prononciation en langue française. Nous connaissons des divas francophones bien moins compréhensibles que miss Damrau, de celles qui réclament des sous-titrages…en français.. !
2-Au chapitre de sa technique : l’émission vocale, sa projection, ce timbre si clair, ce médium vigoureux, pas une de ces vertus ne sent l’effort, même dans les passages les plus escarpés d’un programme qui ne doit rien à la facilité.
3- Le chant des sentiments violents (Dieu sait si les Verdi et autres Donizetti n’épargnent pas notre Manon, Violetta ou Lucia d’un soir) sollicite le haut de la voix, celle que nous intitulons les « ultra-sons ». C’est dans ces plus hautes virtuosités que s’expriment les passions extrêmes. Intenses souffrances, parfois mortifères.
Lors de ces vocalises supersoniques, pyrotechniques, émises dans ce spectre d’extrême aigu, de suraigu, la voix devient cri, cri incompatible avec l’intelligibilité.
Mais, exception notable, dans le haut du spectre vocal de Diana Damrau, le mot, la phrase, sa prosodie demeurent distincts, audibles.

Nicolas Testé, « monsieur Damrau » à la ville, acclamé Ferrando du Trouvère des Chorégies 2015, est une basse-baryton de tout premier plan à la scène.
La voix s'exprime par un légato noble, une voix ambrée, distinguée, stable, facile. Mais sa présence scénique ne rivalise pas avec celle de son épouse, si bonne actrice.

Belle prestation de l’Orchestre de l’Opéra d’Avignon, dirigé par Samuel Jean.
Une répétition supplémentaire aurait été souhaitable.
Mot de la fin : La direction des Musicales du Luberon serait bien inspirée d’édifier quelques balcons en surplomb de la scène des carrières des Taillades. Grande est notre frustration car de ces hauteurs, nous aurions pu, aux pieds de la diva, lancer des brassées de roses rouges. Et d’elle, en retour, recevoir quelques baisers que le vent aurait porté jusqu’à nous. Tachycardie.

Gérard Abrial.

© Easyclassic - 08/08/2015