Festival de la Roque d’Anthéron « Moment Klee »
En marge du Festival, c’est une bien intéressante initiative que la présentation de ces passerelles entre peinture et musique lors d’un cycle nommé : « Le musée imaginaire des musiciens »
Chez les mélomanes, musiciens, musicologues, deux théories s’opposent. D’une part, les adeptes du « sans paroles » qui en tiennent pour une musique d’essence abstraite, qui se suffit à elle même, qui doit échapper à toute traduction et qui ne se commente pas. Et, d’autre part, ceux qui désirent « comprendre » la musique par les mots, qui lisent, vont à des conférences et pour certains, étudient la partition.
On comprend les deux factions. Mais, selon nous, aborder la musique avec quelques explications sur une œuvre comme sur son compositeur, ne déflore pas la musique, ne nuit en rien au pouvoir émotionnel qu’elle peut susciter.
Dans l’univers des peintres, nombreux sont ceux qui sont sentis inspirés par le monde des sons et qui reconnaissent leur dette envers celui-ci.
Marie-Pauline Martin, jeune historienne de l’art adopte le ton, le style et le propos d’une personne savante qui montre et ne démontre pas, raconte plus qu’elle n’enseigne.
Paul Klee, violoniste de talent, quand il penchera pour la peinture, n’oubliera pas ce qu’il doit à Bach dans sa recherche d’effets « miroirs » entre les sons et les couleurs. Pour autant, tels Hockney et Kandinsky pour lesquels les couleurs ont des équivalents sonores ( synesthésie) Klee « pense » peinture, fort de sa compréhension et de sa fréquentation de l’œuvre de Bach.
Edna Stern, avant son récital, nous confirmera combien elle perçoit très clairement une « logique musicale » sur certaines œuvres de Paul Klee, une logique que ce peintre retrouve sur les partitions du Cantor de Leipzig.
Edna Stern, déjà encensée par la critique pour un Schumann et un recueil de chaconnes, avec son Bach « Nunn komm’ der Heiden Heiland » a lancé un pavé dans la mare. Son enregistrement ne pouvait qu'étonner....
A l'opposé d'un Gould qui s'adresse à l'esprit jusqu'à l'abstraction, Edna Stern nous fait entendre un Bach charnel, dense, rayonnant, ni baroque ni romantique, venu d'un monde très différent de celui auquel nous sommes habitués. Un Bach original, un Bach en couleurs.
A l’accusation d’un Bach « mathématicien », Roland de Candé, auteur d’une biographie culte, répliquait : « Oui, mais un mathématicien sentimental ». Les œuvres profanes ( Clavier bien tempéré, Goldberg, Partitas, Inventions, Suites…) ne sont pas des cahiers d’études, de froids exercices et le piano moderne le confirme. Le « sentiment humain» celui d’un « artisan de génie » les parcourt et Edna Stern, dans son avant-propos le souligne avec raison. « On n’a pas fini d’apprendre… » commenta hier soir un auditeur.
Et Bach n'a pas fini de nous séduire…
Gérard Abrial
www.easyclassic.com
© Easyclassic - 10/08/2009
|