Chronique de La Roque 2
La portée du bon mot du grand pianiste Arthur Schnabel ne pâlit pas avec le temps. Tant de musiciens, ont dans l’élan de l’enfance, parcouru Mozart au fil de la partition ! Et tant se sont trouvés paralysés dans la maturité par la complexité et la richesse d’une musique qui dit tant et déclame si peu. On ne trouve pas son équilibre en jouant Mozart, on joue vraiment Mozart quand on a trouvé son équilibre. Cela se mérite.
A fortiori, ses sonates pour piano. C’est un grand adulte de 18 ans qui écrit la sonate n°1. Que n’a-t-il pas composé à cet âge ? Etrangement tout. Mais rien d’essentiel pour le clavier seul. Il est loin le temps du prodige qu’on acclame et fête. Bientôt viendra le temps du doute et de l’amertume. Des sonates, il va en achever 18, de 1774 à 1789. Période charnière, avec l’apparition du pianoforte qui, doté de nouvelles ressources expressives, va rejeter un temps le clavecin dans l’ombre. Puis période esthétique. Un Mozart galant, épigone d’un Scarlatti ou d’un Haydn première manière, va rapidement trouver son style. Les dernières sonates anticipent Beethoven et Chopin et Schumann ne feront pas mystère de leur vénération pour ces œuvres. Suivre Mozart au fil de ces 18 stations, c’est mesurer toute la grandeur d’un génie en évolution (ici on ne dit pas « Work in progress »)
Anne Queffélec et Jean-Claude Pennetier vont, en quatre récitals, donner l’intégrale des sonates (les 9, 11,12 et 14 août). Qui ne les a pas entendus, ne sait pas vraiment son Mozart. Parmi leurs grandes vertus, une nous touche : la simplicité. Encore une ? Le naturel, enfin leur naturel. Sous leurs doigts, on n’entend pas le Mozart qu’il faut entendre, mais le Mozart qu’on voudra entendre. Montrer mais ne pas démontrer...Chacun de nous fera son affaire de ses émotions, dans son intimité, l’ouïe connectée au cœur.
Nous les connaissons bien ces artistes.
A ce degré de « bonté musicale » leur interprétation se passe de commentaires.
« Ecoute et tu sera récompensé » dit la Bible.
Ps qui n’a (presque) rien à voir :
Près de la buvette, quelques instants avant le récital de Lang Lang qui débutait avec justement la sonate K 330 de Mozart, un portable sonne et fait entendre quelques mesures de la Marche Turque. Le virtuose chinois s’interrompant au profit d’un pianiste SFR non programmé… on en frémit. A ce propos, signe des temps, les portables ne sonnent plus et le public attend l’imprévisible dernier bis pour quitter ces gradins si sonores quand on les dévale trop tôt mais si utiles pour manifester notre enthousiasme et rappeler les artistes qui nous ont enchanté.
C’est toujours trop tôt pour quitter la planète piano.
© Easyclassic - 04/08/2006
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