Festival de la Roque d’Anthéron 15 août 2010 Récital d'Aldo Ciccolini
Aldo Ciccolini " Toute une vie pour la musique"
« Il joue encore comme un jeune homme…»
Comme un leitmotiv, voici ce qu’on pouvait entendre se dire et se redire après le récital d’Aldo Ciccolini, 85 ans tout juste, ce 15 août 2010.
Non, Aldo Ciccolini ne joue pas comme « un jeune homme ».
Aucun « jeune homme » ne pourrait ni ne voudrait jouer ainsi.
Les Chopin et les Liszt que le plus âgé des grands maîtres du piano nous a donné à entendre sont le témoignage d’un homme qui vit depuis 75 ans une intimité de chaque heure avec la musique. Cette « maturation » des œuvres fait écho à la morale d’un Chopin qui affirmait : « La dernière chose c’est la simplicité. Après avoir épuisé toutes les difficultés, après avoir joué une immense quantité de notes et de notes, c’est la simplicité qui sort avec son charme, comme le dernier sceau de l’art. »
A ce niveau d’interprétation, Ciccolini atteint les hautes sphères de la transcendance, de la spiritualisation, de la condensation musicales.
Son Chopin, décanté, délié, clair et qui respire à grand poumon, va droit à l’essentiel, sur le chemin de l’épure. Un acte en hommage à la beauté la plus pure.
Son Liszt, grâce à une « fraîcheur digitale » intacte, affronte avec calme les passages les plus virtuoses. La pensée du noble Ciccolini est maîtrisée, elle va son cours, elle se nuance, elle parcourt le clavier avec une incroyable vélocité et nous hypnotise, entre un pianissimo murmuré à un fortissimo massif mais qui jamais ne sature.
Les grands maîtres plus qu’octogénaires, les Horszowski, Cherkassky, Rubinstein, Menahen Pressler...( qui lui, joue encore...) semblent ne plus vouloir « s’exprimer » par la musique mais, sans détachement de leur part, « exprimer la musique.» (une réserve pour Horowitz…)
« Couler de source… » nous semble être l’image la plus proche de ce que nous entendons et éprouvons.
Merveilleux grand maître qui nous aura donné des leçons d’universalité en explorant Grieg et Satie, Albeniz et Janacek, Beethoven et Massenet.
Le pas lourd et incertain, Aldo Ciccolini, le visage fermé, quitte la scène du Parc de Florans. Puis, il revient à son clavier, soudain leste et souple, un sourire discret et malicieux aux lèvres.
Savez-vous où Léopold Godowsky est mort ? : à son piano.
Gérard Abrial
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© Easyclassic - 18/08/2010
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