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Musicales du Luberon-Le 1er août 2012 Ensemble Le Concert Spirituel-Direction Hervé Niquet.

Hervé Niquet, architecte du son

C’est une des personnalités des plus atypiques dans un univers où l’originalité, la fantaisie s’expriment avec beaucoup de modération. Pour preuve, l’étonnement dubitatif du nombreux public présent à Lacoste pour la « finale » de la saison estivale 2012 des Musicales du Luberon.
La direction orchestrale du fondateur du Concert Spirituel, ensemble né en 1987, ne relève pas de l’orthodoxie gestuelle en usage dans le monde de la musique ancienne, monde très codifié. Hervé Niquet, affranchi de toute partition, se fond dans son ensemble, pénètre dans l’espace réservé aux instruments, exécute des mouvements de danse pour insuffler à sa troupe l’énergie nécessaire à la production et à la qualité du son qu’il attend (ou réclame.. !)
Hervé Niquet est un instrument en soi, un instrument chimérique composé de cordes, de anches, de claviers, de sourdines…Aussi, le « style Concert Spirituel » est il entre tous reconnaissable, comme l’est celui de l’Arpegiatta de Cristina Pluhar ou des Matheus de Jean-Christophe Spinosi.
Pour autant, les parti-pris autant esthétiques que musicologiques, les singularités organologiques (*) du Concert Spirituel ont’ ils contribué à notre bonheur, bonheur « sonore » avant tout ?
La question vaut pour l’interprétation de la musique ancienne en général : la fidélité aux instruments d’époque (vents essentiellement) doit-elle nous faire admettre ce que nos oreilles perçoivent comme un défi à la justesse ou du moins à ce que nous considérons comme telle ? Pour exemple, les cors naturels aux intonations hasardeuses…
Tout ceci nourrit un débat complexe sur le thème des « tempéraments » et des réglages des instruments accordables. Curieux de ce sujet ? Good luck…

Mais pourquoi ces lignes si préoccupées par le son et si peu par l’esprit ?
Le Handel invité dans le magnifique cadre des carrières de Lacoste est un Handel sans aucune ressemblance avec celui du Messie ou de Rinaldo.
Ces musiques profanes, écrites pour la célébration d’événements royaux, n’ont pas d’autres ambitions que celles de produire des ré- jouissances auditives.
Hormis les réserves exprimées plus haut, que ce soient pour les Water Music ou les Music for the Royal Fireworks, l’univers sonore du Concert Spirituel se singularise par une très élégante texture, une transparence des cordes, une rondeur velouté des contrebasses, une belle ductilité des hautbois et des bassons.
Souvent outrées ou exagérément et constamment déclamatoires et conquérantes, ces œuvres à la longue fatiguent les sens.
Hervé Niquet évite cet écueil par son admirable science de l’accentuation. Contrastes, rythmes, pulsions…voici un concert des plus spirituels.

Gérard Abrial pour les Musicales du Luberon

> (*) science des instruments de musique

ps: précision: Les carriéres de Lacoste n'ont aucun rapport avec le marquis de Sade. Celles-ci, bien qu'à proximité de son château, ont été exploitées bien après la disparition de l'illustre seigneur de Lacoste. > >

© Easyclassic - 10/08/2012