Festival de la Roque d’Anthéron. 25 juillet 2012 Shani Diluka piano Orchestre Musica Viva Alexandre Rudin direction
Coupables mémoires? Shani Diluka est une fidèle du festival de la Roque, et nous, sommes fidèles à cette artiste. Séduits dès sa première apparition au Parc de Florans par un piano délicat, net, discret, capable de faire entendre une grande richesse de pensée tout comme une radieuse musicalité, nous avons suivi avec bonheur la maturation de l’élégante Sri-lankaise. Ses récentes interprétations au disque de Grieg et de Mendelssohn ont confirmé des succès sur toutes les scènes internationales.
Aussi, dès les premières mesures du concerto de Mozart K414, étions-nous, les yeux fermés, prêts à ronronner de plaisir, à fondre sous le charme de cette belle musicienne.
Dit avec aménité, le plaisir attendu devint exaspération.
Qu’entendons-nous dès l’entrée du piano ? En lieu et place d’un jeu perlé, clair, allant, spirituel, en un mot, mozartien, voici un discours légato, un phrasé bien pauvre en nuances, un parti-pris d’une expressivité constamment méditatif, une diction maniérée, un tempo d’une lenteur étudiée, en opposition avec la direction orchestrale d’Alexandre Rudin, directe, allègre, vive, spontanée.
Et soudain, sans que ce fut délibéré, nous vint en mémoire une de nos références mozartiennes, celle de Christian Zacharias, musicien si naturel et simple, pétillant, jamais démonstratif, profond sans gravité.
Toutes les interventions de Shani Diluka, cadence y comprise, furent marquées par son désir (inconscient ?) de nous amener à adhérer à « son Mozart », un Mozart affecté de pianissimo quasi inaudibles, de poses et de langueurs romantiques douteuses.
Nous, à cette invitation, nous ne nous sommes pas rendus.
Et soudain, sans que ce fut délibéré, nous vint en mémoire une autres de nos références mozartiennes : Anne Queffelec. Artiste admirable, si naturelle et simple, qui suggère et qui jamais n’impose.
Quid du Beethoven (concerto n°3) d’après la pause? Nous dirons, au mieux, une version « standard » sans relief particulier, mais encore entachée d’alanguissements hors de propos. De surcroît, une question demeure sans réponse : pourquoi le choix de ce piano Bechstein, à la sonorité mate et terne ?
Et soudain, sans que ce fut délibéré, nous vint en mémoire une de nos références beethoveniennes parmi les plus récentes, celle de Marie-Josèphe Jude qui, d’aucune manière, ne prête à Beethoven des états d’âme que nous pensons inappropriés.
Un cran au-delà de notre désapprobation, un constat : Shani Diluka s’est faite entendre non pas comme concertiste, mais comme soliste.
Une soliste qui, en d’autres lieux et temps, nous a procuré, à maintes reprises, des bonheurs musicaux impeccables. Etymologiquement : sans péchés.
Gérard Abrial
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ps : Etrange fin de concert. A l’heure des « bis » (ou d’un bis) l’orchestre et son chef quittent la scène sans attendre le retour de Shani Diluka. Celle-ci réapparait enfin pour un Chopin plutôt expédié mais ne cédera pas aux sollicitations d’un public qui espérait au moins, un salut de la pianiste.
© Easyclassic - 26/07/2012
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