La Roque Récital Plamena Mangova
La Roque 6 août 2007
Second prix 2007 au concours Reine Elisabeth et auréolée d’un disque Chostakovitch très bien accueilli, Plamena Mangova, est une « nouveauté » du grand circuit du piano. Son programme donné dans le charmant théâtre Forbin du parc de Florans parcourt près de trois siècles de musique. Tout comme la progression chronologique (Scarlatti, Beethoven, Wagner, Chostakovitch, Ginastera) notre plaisir alla crescendo, sans un instant d’ennui. Il faut dire que l’artiste bulgare s’y entend en terme de galerie de portraits tant son art d’éclairer ceux-ci est subtil et intelligent. Son Scarlatti ? : clair, raffiné, pétillant, d’une parfaite articulation. La conversation de ces deux mains légères et agiles est pleine d’esprit, d’un parfait bon goût.
L’Appassionata de Beethoven requiert bien évidemment un tout autre engagement et une palette technique bien plus élaborée. Ici, l’artiste de tempérament slave se révèle, allant chercher au fond de son clavier ce matériau beethovénien si contrasté, puissant, volcanique.
Si on ne peut encore accoler à la version de miss Mangova la définition de Romain Rolland s’appliquant à cette œuvre : « Un torrent de feu dans un lit de granit », on avouera notre admiration pour l’aisance et la probité de cette interprétation. Ici vit une musique concentrée, naturelle, riche en nuances et aff ects. Intense émotion quand la voix de Wagner (transcription de la mort d’Isolde par Liszt) se fait entendre du Steinway de Plamena Mangova. Le fameux « Libestod » page légendaire de l’opéra, sonne ici avec un réalisme confondant. Piano-orchestre au complet, grand art.
Aux premières mesures des Etudes de Chostakovitch, on entend bien la complicité de la jeune bulgare avec ces œuvres d’une approche si complexe. Notes étranges, inattendues, semblant parfois improvisées, ces dix pièces s’enchaînent pour figurer un tout fascinant. Et quand le clavier est dans ses extrêmes sollicité (Etude n°6) aucun aigu ferraillant, aucun grave caverneux ne viendra agacer nos oreilles. Rebond de chaque note, travail sur le son très sophistiqué, ici encore, l’art de Plamena Mangova est admirable.
Le temps d’une ovation et les couleurs, timbres, nuances du monde argentin de Ginastera viennent nous envoûter. Trois danses dont un petit chef d’œuvre intitulé la « jeune fille enjouée » (bien mélancolique pourtant...)
Puis Plamena Mangova se retire, après deux bis offert à un public conquis, prêt à l’accueillir en 2008 sur la grande scène.
Pour l’heure, au palmarès des révélations de cet été, un premier prix…
Gérard Abrial
© Easyclassic - 08/08/2007
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