Aix-en-Provence Grand Théâtre de Provence
Aix en Provence : du grand Brahms au Grand Théâtre
Jadis, c'est-à-dire il y a moins de 5 ans, à Aix-en-Provence, une nouvelle scène est apparue, le Grand Théâtre de Provence.
Cet édifice destiné à l’accueil de quelques prestigieuses soirées « indoor » du festival d’été, fut jugé « surdimensionné…démesuré…dispendieux…irréaliste… » Doté d’une fastueuse jauge de 1300 places, devancé par les concerts du si charmant théâtre du Jeu de Paume, devant pâtir de la monotonie culturelle ambiante et d’un public indigène jugé peu mélomane, le grand navire GTP ne pouvait qu’attendre la marée haute de juillet pour pavoiser.
Mais voici les défaitistes désavoués.
Dominique Bluzet (déjà à la tête du théâtre du Gymnase à Marseille et plus récemment de celui du Jeu de Paume à Aix) et son équipe présentent un bilan tout à fait bluffant, digne des grandes scènes nationales. En 2011, une quarantaine de concerts, un taux de remplissage de 85%. Des chiffres à méditer…
Partie 1 : Brahms, concerto pour violon.
Viktoria Mullova entouré par l’orchestre de Paris, dirigé par Paavo Parvi, voici une affiche plus que séduisante…
On sait l’historique assez mouvementé de cette œuvre. Brahms la destina au violon légendaire de son ami Joseph Joachim. Celui-ci la déclara injouable, sauf à la réformer afin d’en réduire les difficultés techniques. Brahms y consentit et cette œuvre magistrale entra pour l’éternité au grand répertoire romantique.
C’est peu dire que la violoniste d’origine russe se refuse à une quelconque recherche d’originalité, à une intérpretation narcissique, à une démonstration de sa fabuleuse technique.
Le naturel est sa vertue première et plaire, certainement le dernier de ses soucis.
Les tenants des légendaires versions Heifetz/Reiner ou Kogan/Kondrachine n’y auront pas trouvé leur compte et les adeptes de l’archet de Nigel Kennedy auront trouvé le temps long.
Chez Mullova, tout est hauteur de vue. Son Stradivarius s’apparente plutôt à la rigueur hiératique d’un Milstein, à la pureté d’un Perlman, à la stoïque virtuosité d’un Oïstrakh.
De ces légendes d’un passé encore assez proche, elle a hérité le phrasé impeccable, la sonorité étincelante et un legato de rêve.
On aura souvent émit des réserves sur le jeu un peu « quant-à soi » de la longue et svelte moscovite. A l’écoute du flamboyant allegro final de ce Brahms, écrit dans le caractère tzigane, voici beaucoup d’implicite mais aussi… de contrôle. Car miss Mullova ne démontre pas, elle montre. C’est une musicienne qui appartient au cercle restreint des plus grands, ceux qui pratiquent l’art le plus exigeant : celui de la simplicité.
Partie 2 : Brahms, symphonie n°2
A la suite des pères et fils Kleiber, Slatkin ou Jordan, chez les trois Jarvi, (Neeme père, Kristjian et Paavo, ses fils) la direction d’orchestre est affaire de famille. Paavo, élève de Léonard Bernstein, a été nommé chef permanent de l’orchestre de Paris en 2010, son contrat se terminant en 2016. Mais, cette complicité ponctuelle remonte aux années 2004. Et cela s’entend.
Comme s’entendent encore les sempiternelles accusations dénonçant les lourdeurs des symphonies de Brahms. Un temps, celles-ci étaient d’autant plus difficiles à réfuter que certaines baguettes pratiquaient plus volontiers la diététique de Maitre Kanter plutôt que celle du bon docteur Dukan. Mais, avec la nouvelle esthétique des effectifs allégés et celle du jeu sur instruments anciens, ( les Norrington, les Gardiner…) c’est une toute autre musique qui vient à nous sans pour autant discréditer celle avec laquelle nous avons grandi, les gravures des Kleiber, Karajan ou Wand.
Avec Paavo Jarvi et son orchestre de Paris, tout est plaisir et rien n’est effort. Le flux mélodique s’écoule avec fluidité, le chant est clair et souple, le climat pastoral propre à cette œuvre est rendu à merveille. Le chant si émouvant du violoncelle de l’adagio s’écoute les yeux fermés et l’allegretto qui suit est un pur moment de délice, simple, joyeux, évident.
Et tout au sommet des ces beautés orchestrales, l’ineffable transparence des cordes, au sens propre, inouïes.
En ce 27 janvier à Aix, ce fut l’été.-
Gérard Abrial
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© Easyclassic - 28/01/2012
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