Musicales du Luberon2016 Choses lues, vues, entendues. Les chroniques de Gérard Abrial.
Les archets du bonheur.
6 août Eglise Saint-Luc Ménerbes.
Les Fancy Fidllers Musiques pour jeunes prodiges.
Programme: .
William Boyce.
Symphony no 1 en si majeur.
W.A.Mozart.
Quatuor en sol majeur K 387.
Van Eyck.
Sentiment d’Antan.
J.Halvorsen.
Passaglia violon et violoncelle sur un théme de Handel.
P.i.Tchaikovski.
Souvenir de Florence.
Les Musicales heureux « parrains » des Fancy Fiddlers.
A l’issue de leur première apparition en 2011 à Ménerbes, les Fancy Fiddlers reçurent un accueil si enthousiasmant que leur présence l’année suivante s’imposa naturellement. .
5 ans plus tard, ils n’ont pas quitté la programmation des Musicales. .
Plus qu’une reconnaissance de leurs talents, d’une fidèle contribution à leur avenir, il s’agit de la part des Musicales d’un sincère et affectueux acte de parrainage. En effet, d’année en année, comment ne pas s’attacher à ces jeunes prodiges, Charlotte, Luna, Simon, Isha…violonistes, altistes, violoncellistes ?
Bientôt adultes, un avenir musical flamboyant leur étant promis, nul doute qu’ils citeront les bienfaits dus aux Musicales dans leurs futures biographies.
Relativiser...plus qu’une nécessité, un reflexe.
C’est une des difficultés rencontrées aussi bien par le public que par les chroniqueurs
musicaux : celle d’adapter et de modérer son appréciation musicale en fonction de ceux qui sont les interprètes de celle-ci. .
L’intransigeant mélomane, dont la référence en terme d’archets, se nomme Perlman, Heifetz,
Yo-Yo Ma ou Starker pourra toujours relever dans le jeu des Fancy Fiddlers, quelques déficits d’intonation, de justesse, le prosaïsme de certains traits, des lacunes d’homogénéité.
Désolé de mal le traiter, mais ce « mélom-âne », certes en est un.(*)
Pour me faire comprendre de celui-ci, quelques triviales comparaisons. Vidant un verre d’un gouleyant Syrah, en veut ‘il à celui-ci de ne pas le griser tel un vénérable Margaux ?
Lisant un plaisant premier roman, est-il déçu de ne pas y trouver toute la profondeur d’un Stefan Zweig ? .
Comparaison n’est décidément pas raison. .
C’est à l’aune de leur âge, d’une admirable précocité intelligemment encadrée, de la rigueur de leur pratique qu’il faut apprécier les Fancy Fiddlers. Mais aussi comprendre la naturelle subjectivité d’un public qui depuis 5 années, voit ces chères têtes blondes, grandir dans leur corps comme s’épanouir dans leur art. .
(*) « Ce ne sont pas les notes qui m’intéressent, c’est ce qu’elles expriment. » Igor Stravinsky. .
Les Fancy : ll pleut de (jeunes) cordes.
Agés de 8 à 19 ans, ils semblent être nés avec un archet à la main. Ce sont les Fancy Fiddlers, une formation à cordes à effectif variable, jouant violon, alto ou violoncelle. Tous sont issus du professorat d’une musicienne et éminente pédagogue néerlandaise, Coosje Wijzenbeek. Sélectionnés dans tous les Pays-Bas, enfants et adolescents suivent au Conservatoire d’Amsterdam un enseignement innovant et rigoureux sous la direction de la violoncelliste Monique Bartels. .
Dès leurs premières accords entendus, il faut bannir l’expression « virtuoses de demain » au profit de celle : « musiciens d’aujourd’hui » tant leur maturité est étonnante.
Janine Jansen, élue star parmi les stars
Janine Jansen, née en 1978 de nationalité hollandaise, dès l’âge de 9 ans, fut révélée à la Musique par la méthode “Fancy Fiddlers”. Elle se souvient: “L’enseignement des Fancy Fiddlers réclame une discipline individuelle autant qu’une volonté collective. Nous devions toujours jouer par coeur et alternions souvent du premier au second violon et même à l’alto . Trés jeune, j’ai appris à écouter les autres et à analyser ce qui marchait ou ne marchait pas.”
Janine Jansen est de nos jours reconnue comme une artiste parmi les plus importantes de sa generation.
Aveu de lacunes
Totalement ignoré par nous, grace au programme des Fancy, voici deux compositeurs qui ne le sont donc plus.
Anglais, contemporain de Haydn et Handel, d’abord choriste puis organiste,
William Boyce ( 1711-1779) est l’auteur d’un legs tout à fait digne d’intérêt et ce, dans divers genres, sacrées comme profanes. .
Johan Halvorsen (1864-1935) disciple d’Edvard Grieg, est en Norvége une gloire nationale. Musique de genre plaisante, assez virtuose, romantiquement assumée, cette partition sera ici jouée dans une version pour cordes seules. .
Au programme des Fancy Fiddlers, le quatuor K 387 en sol majeur, dit « Le Printemps »
Œuvre complexe, exigeante, subtile, d’essence naturellement bucolique, elle requiert un juste équilibre entre les 4 archets. Premier violon, Charlotte Spruit tout juste 15 ans, libre de toute contrainte technique, elle s’exprime déjà avec une belle autorité. En mot : rayonnante.
Un Tchaïkovski en version survitaminée
Ecrit pour un sextuor (violon, alto, violoncelle x2), du haut de ses nuages, Tchaïkovski ne semble pas avoir voulu censurer ces 14 archets sur scène, soit un effectif doublé plus 2 « invités », adultes, la violoniste Nadia Wijzenbeek et le violoncelliste, Charles Watt, deux bons génies de notre juvénile équipe. Bien entendu cette opulente formation, à la sonorité assez spectaculaire, réduit les expressions individuelles du sextuor habituel. Mais, peu importe…(*).
Le plaisir de lire sur tous ces visages tant d’émotions, de concentration, d’inquiétude et, in fine, de soulagement, fait peu de cas de l’orthodoxie musicale et ses vétilleux gardiens.
A noter...le lyrisme russophile traversant cette belle page, son intitulé : « Souvenir de Florence » réduit son titre à une simple réminiscence musicale italienne. .
(*) « Il n'y a pas de théorie : il suffit d'entendre. Le plaisir est la règle. » Claude Debussy
La précocité passée aux rayons X de la neurologie.
Bref rappel d’une interview du Dr. Pierre Lemarquis, neurologue, musicologue, spécialiste des relations musique-cerveau. .
PLM : Le nourrisson : Son cerveau est sculpté par son environnement et se souvient des morceaux entendus in utéro : l’air du basson de Pierre et le loup le calmera, les accords d’une guitare gitane marqueront un futur Django Reinhardt, le cri du bébé variera selon la langue maternelle : descendant en Allemagne, ascendant pour un petit gaulois.
Précocité musicale et neuro-imagerie
Ce sont surtout les effets de la pratique de la musique sur les enfants qui ont été testés et les résultats obtenus devraient convaincre les décideurs : les musiciens sont de manière significative habituellement meilleurs non seulement en musique mais aussi en mathématique, en langues, leur mémoire est supérieure et leur capacité à planifier, prouvée par la neuro-imagerie, peut les aider à mieux réussir aux examens.
Précocité : synonyme de Rubinstein,Karajan, Menuhin… ?
PLM : Non malheureusement, le manque de maturité psychologique et les aléas de l’existence peuvent étouffer les jeunes talents.
Précocité : des conséquences négatives ?
PLM : Oui, dramatiques comme l’isolement, la fragilité mentale ou le suicide.
L’oreille absolue : la garantie d’une prédisposition musicale ?
PLM : 100% génétique, 100% acquis : une prédisposition familiale est évidente pour la vingtaine de musiciens que comptait la famille Bach mais la pratique d’une langue tonale en favorise l’éclosion ! Nous perdrions presque tous notre oreille absolue naturelle lors de l’acquisition du langage…
Environnement familial : la condition absolue de réussite d’un futur musicien ?
PLM : C’est une aide précieuse mais qui n’est pas absolument nécessaire. Le futur musicien peut souhaiter s’investir dans un domaine qui lui sera propre et dans lequel il forgera son identité.
Le cerveau « expert » en deux mots :
PLM : Il faut 10 ans pour constituer un cerveau expert, avec de la motivation et un « coach » talentueux comme le fut Léopold Mozart pour son fils. La technique du père de Beethoven est plus discutable comme celle de la mère de Glenn Gould qui le sermonnait à la moindre défaillance.
© Easyclassic - 08/08/2016
|