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Mai 2013 Opéra de Marseille La Clémence de Titus

Une amnistie générale

Petit rappel historique.
Le Titus en « chair et en os » (39-81 ap.JC.) dont l’opéra, via Metastase et Corneille s’est inspiré et que Mozart, à la fin de ses jours a mis en musique ne fut pas toujours un empereur magnanime.
Marchant sur les traces sanglantes de Néron et de Caligula, sanguinaire, débauché, coupable des massacres les plus féroces lors de ses campagnes en Judée, ce n’est qu’à la mort de son père, l’empereur Vespasien, que Titus à 40 ans passés, incarna les vertus de tempérance et de clémence.
C’est avec quelques modérations de jugement ou circonstances atténuantes que l’ultime opéra de Mozart doit être appréhendé. Parmi elles, le délai extrêmement court (6 semaines) imposé à un homme accablé de soucis, à la santé précaire, pressé par ailleurs d’achever sa Flûte enchantée.
La traversée du désert de cette œuvre fut longue. Souvent jugée académique, peu digne du créateur d’un Don Giovanni ou des Noces, il faut à cet ouvrage un plateau vocal, une direction d’orchestre et une mise en scène de premier ordre pour lui donner ce relief qui parfois lui fait défaut.

Deux années après la version David Mc Vicar présentée au festival d’Aix, cette production marseillaise signée du même metteur en scène avoue aussi quelques lacunes : manque de souffle, direction d’acteurs sans soin, intentions peu convaincantes.
A un livret souvent confus, cette mise en scène ne nous apporte aucune lumière. La gestuelle des personnages est convenue, leur expressivité variant entre outrance et maladresse. Lassante aussi la présence quasi permanente d’une dizaine de spadassins. Glaives tenus tels des javelots, jambes écartées, ils sont prêts à occire à tout moment les inoffensifs et démunis Sesto ou Vitellia. Les ont’ ils confondus avec un Ben Laden ceinturé d’explosifs ?
Au sommet de l’insolite, une chorégraphie de cette même soldatesque, signée « Bruce Lee », nous laissa plus que dubitatif…
Quant au décor, composé de hauts blocs sur rails, massifs et grisâtres, que dire d’autre que l’œil, rapidement, n’y prête plus aucune attention.
A ce stade de déception, il aurait été préférable de nous offrir une version de concert.
Car le plateau vocal, même en manque d’homogénéité, fait honneur à cette production.
Les Sesto, Tito, Vitellia, Servilia, Publio nous ont révélé la richesse dramatique, vocale et musicale d’un opéra dont Mozart avait réduit le temps des récitatifs et des airs da capo souvent sources d’ennui.
Anthologique le quintette avec chœurs chanté lors de l’incendie du Capitole, admirable le sextuor qui ponctue l’acte 2, sobre et pur l’aria de Vitellia « Non piu di fiori. »
A la baguette, Mark Shanahan transmet à un orchestre cohérent, présent, réactif, toute la science d’un chef d’opéra parmi les plus expérimentés. (excellentissimes hautboïstes et bassonistes.)
Au final, le plaisir l’aura emporté sur les points faibles.
Cette « Clémence » est un des très rares drames lyriques sans vengeance ni vendetta, où une amnistie collective est décrétée, où le sang ne coule pas et qui de surcroît s’achève en « happy end. »

Griefs oubliés, on applaudit de bon cœur.

Gérard Abrial
www.easyclassic.com

© Easyclassic - 09/05/2013