Pergolèse: Stabat Mater et standing ovation
26 juillet 2007
Ménerbes.
Ensemble Stradivaria
Pergolèse : Salve Regina-Concerto pour violon-Stabat Mater.
Prenez un lieu d'une grande beauté (une église du XIV siècle) face aux monts du Luberon, un ensemble comptant parmi les meilleures formations de musique "baroque" en Europe. Ajoutez deux solistes très à l'aise dans un programme consacré aux chefs d’œuvre de Pergolèse et sans nul doute obtiendrez vous un résultat musical bien agréable.
Mais, pour ce concert des Musicales du Luberon, le tout fut bien d'avantage que
la somme de ses parties. Ce qui signifie que nous avons éprouvé un sentiment
rare et pénétrant, qui procède d'une alchimie difficile à définir et
qui s’apparente au bonheur.
Dès les premières mesures du Salve Regina, la cause était entendue.
Stradivaria est un ensemble d'une remarquable homogénéité, à la diction parfaite, au phrasé soigné, aux timbres transparents. S'écoutant mutuellement (vertu pas si fréquente) cordes et clavecin sous la direction Daniel Cuiller, violon solo, démontrèrent si besoin était que l’interprétation « baroque » (instruments d’époque, tempi, ornements…) s’accommode parfaitement d’un style sobre et contenu. Philippe Beaussant, « penseur » du baroque, utile le mot « spirale » pour définir le caractère de cette musique. Il entend par là qu’elle se prête à une exubérance, à une redondance dans l’interprétation dont beaucoup de formations abusent jusque dans des pages religieuses et graves qui sont tirés vers un dolorisme envahissant.
Ce « Stabat Mater dolorosa » de Pergolèse, (debout, près de la croix, se tenait la mère des douleurs) nous l’aimons telle une méditation sans mysticisme, tendre, qui échappe à toute rhétorique. Dire que le duo féminin Anne Magouët (soprano *) et Sarah Breton (mezzo) nous a plu, est un euphémisme. La première, beau visage encore juvénile et rayonnant s’exprime par une voix équilibrée, profonde, dotée d’une belle projection, d’un admirable legato et incarne avec sensibilité la souffrance de la vierge Marie. La seconde, plus en retrait, voix moins ductile et rayonnante, émeut néanmoins par une grande intériorité et un très beau travail sur la prosodie.
Mais, c’est l’harmonie de ces deux voix qui procura les plus beaux moments de ce récital. Les duos 8, 11 et le célèbre « Quando corpus morietur » final furent écoutés dans une sorte d’apnée collective, une atmosphère d’une densité extrême.
Stradivaria nous a proposé plus qu’il nous a imposé, suggéré plus qu’il n’a dicté, montré plus qu’il n’a démontré. Et ce faisant, il nous a rendu entièrement réceptifs, ouverts sur nos propres sensations, libres de faire du chemin en nous.
La musique au-delà de la musique…
Gérard Abrial
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© Easyclassic - 28/07/2007
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