Opéra de Marseille
Manon, clap de fin…
René Auphan, en dernière page du programme de salle distribué pour cette Manon 2008, nous livre un souvenir cher à son cœur. Voici presque un demi-siècle, elle franchissait les portes d’un opéra, (qu’elle écrit avec une majuscule) celui de Marseille qui affichait…Manon.
En juin de cette année, son contrat venant à son terme, elle cédera la direction de cette institution qu’elle aura réanimée, revitalisée puis portée au meilleur niveau national.
Ce n’est certainement pas un hasard si pour clore un chapitre de sa vie elle programme cette même Manon dont elle assure la co-mise en scène.
Pour un tel événement, René Auphan ne pouvait que gâter cette œuvre et y insuffler sa vision personnelle. Consensuelle, soit, mais de bon goût.
Sous son « règne », la vertu première de René Auphan, aura été de présenter des œuvres aux composantes « homogènes » : plateau vocal, chœurs, orchestre, mise en scène…Entre le satisfaisant et l’enthousiasmant, on ne connu ni mises en scène provocantes, ni déceptions vocales, ni vociférations du public…On nous aura épargné les délires d’un Peter Konwitschny comme les turbulences d’une « affaire Alagna ». Bastille est loin et La Scala aussi…
Mais, revenons à Manon. « Notre Traviata » de 2005, Ermonela Jaho, s'empare de ce rôle, plutôt conquérante. (Elle remplaça Anna Netrebko à Covent Garden ce qui est bon pour l’ego.)
Son évolution psychologique, de l’état de jeune fille promise au couvent à celui de femme accablée et condamnée, en passant par ses errements entre perfidie et remords sincères est tout à fait cohérente.
On suit ainsi cette Manon sans hésitation et on l’écoute l’ouie béate. Comédienne très convaincante, Ermonela Jaho occupe la scène avec un grand naturel, une vraie spontanéité. Sa voix demeure d’une santé insolente tout au long d’une œuvre où elle n’est pas vraiment épargnée. Des pianissimo caressants, des aigus qui fusent sans aucun effort, une ligne de chant d’une grande stabilité, une projection d’une facilité confondante…Ermonela Jaho fait oublier une œuvre qui date, une musique pleine de charme mais qui laisse le cœur au repos. Son partenaire, Roberto Sacca, un peu inerte en première partie, s’affirme ensuite dans un Des Grieux tourmenté, violent et fragile.
Alain Vernhes apparaît, noble et sévère. Il lui suffit de barytonner deux syllabes pour effacer tous les précédents Grieux père de nos mémoires.
Une mise en scène classique, des costumes somptueux, des décors de très belle facture (scène du Casino.. !) contribuent à la belle tenue de cette production.
Dans la fosse, l’orchestre et son chef invité auront dialogué avec vivacité et élégance. Cyril Diedrich a soutenu ses musiciens sans pour autant les porter. Nuance. Une collaboration qu’on aimerait voir s’officialiser et perdurer.
Renée Auphan quitte cette maison sur la pointe des pieds mais laisse une programmation bouclée par ses soins jusqu’en 2010.
Heureuse et rassurante initiative…
Gérard Abrial
www.easyclassic.com
© Easyclassic - 14/05/2008
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