Musicales du Luberon juillet 2015
Des voix mâles pour notre plus grand bien.
Sait-on un ensemble choral connu au delà de la sphère classique, une formation dont le nom fait réagir un public qui s’avoue peu mélomane ? Oui celle-ci existe, célébrée même hors de nos frontières. Elle se nomme Accentus, Laurence Equilbey étant sa fondatrice, son inspiratrice, sa bonne fée. Mais, l’enchantement ne s’est pas produit en un coup de baguette magique. Progressivement, en presque 25 ans, les voix se sont accordées, homogénéisées, les pupitres fondus les uns avec les autres, les tessitures parcourues sans effort sur toute leur largeur, la justesse jamais prise en défaut. Un style singulier est apparu, résultat d’un investissement sans faille de chaque voix.
Mais, de toutes les beautés d’Accentus, l’une nous aura particulièrement touchée au cœur,
celle de la fidélité à l’esprit schubertien. Même si chaque auditeur peut se prévaloir d’un Schubert qui soit au diapason de sa sensibilité (par bonheur il n’y a pas de catéchisme en la matière) on retrouve d’un commun accord cette empreinte musicale déposée par le compositeur sur des vers de Matthisson, Mayrhofer ou Cornélius. Evocation permanente d’une nature sublimée, (terreau de l’hyper romantisme germanique…) des mystères de la nuit, des destins menacés…ce chœur à 17 voix d’hommes offre avec un réalisme confondant l’expression de tous ces affects, sans jamais les épaissir d’aucune sorte.
C’est par l’Andante en Ut D 29 que Vanessa Wagner entame son programme pour piano seul. Voila une musicienne accomplie dont nous apprécions le tact, la sincérité, l’élégance, la sobriété et ce, depuis un CD consacré à Schumann enregistré en 2007, révélation d’une jeune pianiste qui se dit inspirée par Clara Haskil ce qui peut que nous séduire. Néanmoins, aux premières mesures de cet Andante, nous nous étonnons d’un tempo très lent, d’appuis pesants, d’une pensée si accablée qu’elle défait la ligne de chant. La mélancolie schubertienne vire à une version crépusculaire, presque sépulcrale.
Ecrite par un jeune homme de seize ans, peut ‘on imaginer celui-ci si sombre alors que ses sonates de fin de vie, pour douloureuses qu’elles soient, ne sont pas uniformément désespérées ?
De retour comme accompagnatrice, on retrouve une musicienne dans un bel accord avec le chant, mais qui ne s’affranchit pas totalement d’une dépendance à sa partition.
Liberté et amplitude respiratoire du jeu en pâtissent, mais ce ne sont que détails au regard d’un concert qui nous fut bonheur.
Gérard Abrial
© Easyclassic - 28/07/2015
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