La Roque d'Anthéron 2006 Compte-Rendu
Prophète en son pays.
« Pianiste polonais jouant Nocturnes et Mazurkas rêve d’être lauréat du concours Chopin de Varsovie ».
Le 8 octobre 2005, son vœu exaucé, Rafal Blechacz a du esquisser un modeste sourire. Une telle distinction se reçoit dans la discrétion. A 21 ans, on sait se tenir.
Et l’ovation que lui fit le public de la Roque le 2 août n’a pas d’avantage troublé notre virtuose.
Il est 21 heures, la frêle silhouette apparaît et l’orchestre Sinfonia Varsovia dirigé par François-Xavier Roth entame l’Allegro du 1er concerto de Chopin. Immobile et détaché, l’artiste qui affronte pour la première fois la scène de la Roque, pense t’il au mépris de Chopin pour la virtuosité gratuite, les effets faciles, les traits surlignés, son léger dédain pour les Moscheles, les Kalkbrenner, les Thalberg, virtuoses de son temps ?
Dès les premières notes, on est édifié. Le son de Rafal Bléchacz est clair, pur, le rubato discret, l’architecture aussi solide qu’invisible. La mise en place, impeccable, se fera sans effort, le phrasé demeurera naturel, le soin apporté aux détails ne nuira pas à la fluidité du propos. Le jeune polonais n’entend pas à se « concerter » avec l’orchestre, irréprochable par ailleurs et qui ne cherche pas à se pousser du col.
Il fera cavalier seul, semblant parfois jouer une sonate orchestrée.
Si la romance s’étiole un rien en fin de parcours, le rondo, vif, confirme l’aisance très naturelle d’un pianiste aux doigts déliés et aux idées claires.
Le climat du second concerto confirme celui du premier. Si romantisme il y a chez Rafal Blechacz, il ne sera, ni pathétique, ni exalté. Le sentiment chez notre jeune artiste sera allusif ou ne sera pas…Mozart plus que Rachmaninov…
On pourra se sentir frustré de fortes émotions, l’oreille privée d’une matière sonore parfois trop transparente. Mais, le point de vue de Rafal Blechacz est si pertinent, si argumenté, si stable de bout en bout, et pour dire l’essentiel, si étonnamment mature, qu’on ne peut qu’applaudir ce jeune Chopin au sourire si rare…
© Easyclassic - 05/08/2006
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