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Opéra de Marseille.

Cela s’appelle une « mise en espace ». Litote tendance pour dire « opéra de 4 sous » ou « économie de moyens » ? Réalité économique oblige, nous devrons nous habituer à cette conception. La mise en scène traditionnelle, son coût (ses divagations parfois) ses décors (qui souvent n’apportent pas grand-chose) de moins en moins de maisons d'opéras en ont les moyens . Amélioration de la « version de concert » (chanteurs en rang d’oignons) la mise en espace de cette Norma phocéenne, si elle servait de référence,nous l’adopterions bien volontiers. Au même titre que la Somnanbule-June Anderson 2004 ici même, très convaincante.
Chic et sobre, le mouvement des rideaux de scène noirs offre à la vue des plans géométriques dans lesquels apparaissent et se meuvent chœur et solistes. Sur la scène, on aura savamment dessiné des effets de profondeur et des perspectives aux angles vifs et nets à dominante rouge.
L’« esprit » du lieu étant ainsi défini, toute la place est faite aux voix, à la dramaturgie et à la musique.Une ouverture sans brio ni mordant, un rien poussive s’effaça de notre mémoire pour faire place à un orchestre transparent, discret, d'une musicalité qui nous ravit jusqu’à la dernière mesure. Le chef Villaume sied bien à cette formation comme aux voix de cette production.
Dans ce rôle grandiose, elle a triomphé sur toutes les scènes du monde.
June Anderson aura été une Norma frémissante, d’une vérité dramatique stylée et stylisée. La voix est constamment admirable, legato d’un naturel confondant, prononciation d’une pureté exemplaire, aisance souveraine dans tous les registres, la diva ne prend pas une ride. Son jeu épuré, tout en intériorité, adopte le parti d’une indignation et d’une douleur contenues. Mais, face à un Pollione dont elle découvre la duplicité, confrontée à ses pulsions infanticides, l’aurait-on aimé moins résignée.
A dire le vrai, ce Pollione, ( rôle ingrat) nous l’aurions imaginé différent. Pour donner la réplique à la passion d’une Norma aussi hiératique, nous aurions apprécié un César plus Auguste.
Zoran Todorovitch, s’il ne manque pas de solidité et de sincérité, fait un peu gaillard, tel un Bernard Tapie égaré chez Corneille.br> Rôle très exposé, Adalgisa a trouvé en Mzia Nioradzé une superbe interprète, une voix pleine et projetée à la ligne de chant d’un beau velours. Les duos avec Norma auront provoqué des records d’apnée.
Renée Auphan, grande intendante de cette scène, donne ici la preuve que les moyens économisés peuvent offrir des économies de moyens à des artistes qui n’attendent que cela et nous avec eux : nous offrir le grand frisson à l’écoute du plus beau des instruments : la voix humaine.

Gérard Abrial

© Easyclassic - 12/10/2006