Musicales du Luberon 2017 28 juillet Ménerbes Eglise Saint-Luc
Dès les premières mesures du Divertimento en ré majeur de Mozart, l’homogénéité parfaite entre les diverses cordes qui constituent le Stuttgart Arcata Chamber Orchestra s’impose. L’équilibre sonore y est impeccable, les traits d’archets fluides et précis, la direction de Patrick Strub particulièrement claire. Plus suggestive que directive, elle atteste d’une naturelle entente.
Ce programme, d’une conception tout à fait originale (à une réserve près) a parcouru, de Purcell à Hillborg, près de trois siècles et demi de musique instrumentale comme vocale.
Les feux de ce concert étaient dirigés sur le hautboïste Lajos Lencses et la soprano
Emöke Barath.
Le premier, bien connu des Musicales, est une figure majeure de la pratique spécialement complexe de ce bel instrument, si riche en harmoniques, dont notre artiste hongrois tire des accents envoûtants, charmeurs, doux ou affirmés. La finalité du hautbois est très généralement évoquée comme traducteur de la voix et des sentiments humains. S’il est vrai que ses sonorités peuvent faire songer à celles-ci, cet instrument a son propre langage et ne se limite pas à n’être que le porte-parole de la nature humaine.
En ce 28 juillet, une voix ainée
Comme pour l’ensemble du public, voila de celui-ci,une voix inconnue.
Lacune avouée, donc auto-pardonnée, celle-ci l’était également du soussigné.
Pour la grande majorité, les voix (des deux sexes) réclament un temps nécessaire afin d’atteindre leur épanouissement vocal ainsi que leur adaptation à l’acoustique du lieu.
Mais le chant d’Emöke Barath se révéla dans son entière plénitude dès les mesures introductives de la Cantate BWV 202 de Bach.
Emöke Barath, soprano lyrique hongroise, venue tardivement au chant, a rattrapé son retard en se perfectionnant auprès de grands enseignants tels Barbara Bonney ou Kiri Te Kanawa.
Remarquée pour son aisance sur scène, sa science raffinée de son art, son incarnation juste et sobre des rôles qu’elle sert, l’étendue de sa voix, sa stabilité, l’économie de tout effort, sa grace naturelle, Emöke Barath se classe parmi les grandes sopranos de sa génération.
Depuis sa récente prise de rôle dans l’Elena de Cavalli au Festival d’Aix-en-Provence, elle se révéla si admirable que les plus réputées maisons d’opéra l’acclament et la réclament.
Sauf incident de carrière, il ne faudra pas s’étonner de lire le nom d’Emöke Barath à la suite des sopranos légendaires interprètes de Bach, Edith Mathis, Deborah York, Emma Kirby, Nancy Argenta ou Elisabeth Schwarzkopf.
Le programme de cette soirée était ambitieux, aussi bien par la quantité d’œuvres proposées que par la diversité des styles vocaux exigés.
A la suite du Divertimento de Mozart, voici une longue et exigeante cantate de Bach.
Celle-ci, dite « Nuptiale » s’intitule étrangement « Weichet nur, betrübte Schatten » soit : « Dissipez-vous, ombres lugubres ». Les futurs mariés apprécieront.
Une cantate dont le texte, aussi hyperbolique que sibyllin, est aggravé par d’exaspérants récitatifs.
Mais les trois arias contenus dans cette partition sont d’une saisissante beauté.
Antichronologique, le programme se poursuit par un « tube » toutes catégories, le
« Oh let me weep » complainte de l’acte 5 de la « Fairy Queen » de Purcell. (*) Ici aussi, Emöke Barath irradie d’une parfaite diction et d’une sobriété, qui sans verser dans un quelconque prosaïsme, confère à ce bref chef d’œuvre, toute sa densité émotionnelle.
Deux œuvres « hors catégorie » figuraient dans cette programmation.
Compositeur suédois né en 1954, Andres Hillborg est une personnalité inclassable, un compositeur composite.
Etudiant au Royal Collège de musique de Stockholm il s’émancipe parfois des contraintes de la barre de mesure pour laisser sa riche imagination s’exprimer dans tous les genres. Son vaste répertoire comprend des œuvres concertantes, lyriques, chambristes et des musiques de films et de variétés (Abba) Une de ses œuvres a été créé en 2011 par le Philharmonique de Berlin est un ensemble de chansons signé par Anders Hillborg a été interprété par René Fleming.
Doué d’une imagination extrêmement fertile, Hillborg produit ici, sans une quelconque connotation dépréciative, une musique d’ « atmosphère », narrative, illustrative, très plaisante, sans appartenance à la création contemporaine.
Si le succès de cette soirée doit essentiellement à la découverte dEmöke Barath, on fera grief à cette programmation d’une durée excessive, l’économie du concerto pour hautbois de Haydn et des Epigrammes de Kodaly nous aurait été supportable.
© Easyclassic - 02/08/2017
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