Musicales du Luberon 2104 2 août Eglise Saint-Luc Ménerbes
« Swinging Bach »
Arcangelo est un ensemble anglais à géométrie variable dédié au répertoire de musique baroque. Jonathan Cohen, « conductor and leader» également claveciniste et violoncelliste, a fondé Arcangelo en 2010, formation composée d’instrumentistes venus de tous horizons. Jonathan Cohen est également chef associé des Arts Florissants, ayant donc reçu l’onction de William Christie ce qui vaut adoubement. Beau pédigrée.
Les Arcangelo, ici un effectif de 10 musiciens selon les œuvres, suscitent instantanément un sentiment de complicité avec l’auditeur. La séduction individuelle de chaque musicien se transforme en un charisme collectif tout à fait palpable. Leur récent concert au Wigmore Hall de Londres a consacré cet ensemble parmi les plus talentueux de l’univers baroque. « Orchestre baroque ? Un de plus... » sommes nous en droit de constater, vaguement réticent.
Car…car…bien que fervents dévots des Leonhardt, Harnoncourt, Malgloire, il nous faut avouer quelques réserves. Celles-ci portent, soit sur le parti-pris interprétatif (bien que celui-ci procède de la plus haute subjectivité comme de la respectable sensibilité de chacun) soit sur l’intérêt de certaines œuvres. Que de partitions écrites au kilomètre, de sujets et contre sujets attendus et mécaniques, d’une restitution menée essentiellement sous l’angle de l’intellect, de poses inutilement cérémonieuses, compassées, solennelles, de fugues que l’on voudrait synonymes de fuites…
N’est pas Jordi Savall, Masaaki Suzuki, Cristina Pluhar ou René Jacobs qui veut…
Top musique… Dès les premières mesures du concerto de JS Bach BWV 1042, transcrit du clavecin au violon, nous comprenons que l’orthodoxie baroque n’est pas la référence chez les Arcangelo. Large palette dynamique, rythme soutenu, pulsations affirmées, couleurs vives, profonds traits des cordes…et par moments, des syncopes quasi « jazzy »… l’auditeur sans a priori se sentira comme envahi par cette houle sonore qui sonne « moderne. » Regret néanmoins : clavecin et luth peu audibles.
Ce Bach (BWV 1041-1042-1055) est le fait d’une jeune violoniste au minois boudeur, Alina Abragimova.(image)
En rien prudent ou convenu, son archet pour tout dire est flamboyant.
Notre musicienne balte, 29 ans, une ultime élève de Sir Yehudi Menuhin, a acquit une expérience considérable bien au-delà du genre baroque. Phrasés, intonation, articulation, travail sur le son… miss Abragimova transgresse les codes en usage au profit du jeu (sur jeu parfois ?) le plus hédoniste qui soit, son maintien y compris. Sans pour autant céder à l’histrionisme corporel et musical d’un Nemanja Radulovic, Alina laisse exprimer son élégante silhouette, son violon étant une prolongation naturelle de tout son être. Chacune de ses apparitions aura provoqué les ovations soutenues d’un public conquit.
L’autre temps fort de cette soirée fut la découverte d’une soprano anglaise, très en vogue, Khaterine Watson. Pur produit des chorales des universités et autres « consorts » londoniens, elle est passée par la case « Va mon enfant, la gloire t’attend » du très exigeant William Christie. Toute de discrétion et distinction, très « british » dans son maintien compassé, Katherine Watson entama la cantate BWV 209 de JS.Bach pour flûte (excellentissime Rachel Brown) clavier et cordes. Passés quelques enchainements d’aigus passablement raides, la voix s’assouplit, se stabilise, se projette avec une grande facilité et aux passages les plus ardus, fraîche et naturelle, ne sent pas l’effort.
Si cette œuvre à sa fin nous parut un rien longuette, il n’en fut rien pour la suivante « Meine freudin du bist schön » de Johann Christoph Bach, oncle de Jean Sébastien. Cette œuvre, une déclamation douloureuse, se distingue par son architecture parfaite, son épure, sa simplicité. La répétition entêtante : « Mon bien aimé est à moi et je suis à lui.. » loin de nous lasser, induit une addiction sonore et émotionnelle qui va crescendo. Le contraste entre le port tout en retenue de la soprano et la liberté du propos (« car je suis malade d’amour… ») est saisissant. Maniérisme zéro. Une splendeur.
Arcangelo ou le baroque tel que nous l’aimons.
Gérard Abrial
www.easyclassic.fr
Au disque : Johann Christoph BACH, Meine Freundin du bist schön :
Clematis Ensemble-Leonardo Garcia Alarcon
https://www.youtube.com/watch?v=S6ONV33Ifzs
Le 7 août : Eglise Saint-Luc Ménerbes les Fancy Fiddlers
© Easyclassic - 04/08/2014
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