Musicales du Luberon Concert du 25 juillet 2014
« Et les sourds entendront »
Isaïe 29-18
Prenez un mélomane un tant soit peu instruit et conviez le à un programme hyper-romantique : quintette de Schubert (en la majeur dite : « La Truite ») et celui de Schumann (opus 44). Sans doute aucun, notre auditeur sourcilleux, voire collet monté, se présentera, son Who s’ Who musical sous le bras. Ses références : mythiques quatuors Takacs, Amadeus, Berg, Budapest, Lindsay… et côté clavier, légendaires pianistes : Argerich, Serkin, Gulda, Rubinstein, Pressler…Hors ceux-ci, point de salut.
Confrontés à de tels ensembles, les « petits nouveaux » doivent, si ce n’est espérer surpasser ces noms glorieux, du moins apporter à ces quintettes un ton neuf et personnel. Sans chercher à imiter leurs grands aînés, sans céder non plus à de factices singularités.
Edna Stern, toujours simple et attachante, malgré une carrière solidement ancrée sur les scènes internationales, se rend toujours disponible aux rendez-vous des Musicales.
Quant au quatuor « Voce », en une décennie, il a acquit une carrure, un style, un « fond musical » qui, en ce 25 juillet à Ménerbes, nous a sans réserve, convaincu.
Nos artistes, avec un naturel confondant, nous font entendre une voix rare, celle de la
spontanéité. Vertu majeure qui ici, ne produit pas son fréquent dommage collatéral : le prosaïsme.
Que notre mélomane, toujours un peu suspicieux, se rassure. Aux premières mesures de l’andante schubertien, point culminant et juge de paix de ce mouvement, le duo alto-violoncelle du second des trois thèmes, pour élégiaque qu’il soit, ne sombrera dans la désespérance.
Les « Voce » n’ont pas le culte de la lente et sage décantation musicale, celle qui privilégie l’intellectuel par opposition au sensuel. Leur « allegro ma non troppo » et ses épisodes en style fugué auront converti les cœurs les plus secs. Mouvement jubilatoire.
La vitalité de leur interprétation est leur signature même si parfois, emportée par son élan, elle induit quelques saturations et opacités sonores lors des passages fortissimo.
Proposer plus qu’imposer, suggérer plus que dicter, montrer plus que démontrer…
Par le fait de cette religion, les Voce et Edna Stern nous ont offert un grand cadeau : celui d’être ouvert sur nos propres sensations.
« Et les sourds entendront » nous dit la Bible.
Gérard Abrial pour les Musicales du Luberon.
Discographie :
Schumann : version « moderne » conseillée : Gordan Nikolitch, Daishin Kashimoto, Lise Bertaud, François Salque, Éric Le Sage, piano. 2010
Schubert : version du signataire de ces lignes : Quatuor de Budapest. M. Horszowski. 1990.
© Easyclassic - 01/08/2014
|