Festival de Piano de La Roque d'Anthéron 2010
Claviers multiples, diapason unique.
C’est une édition 2010 qui s'achève en apothéose.
En ce 22 août, trois heures durant, sur la scène du parc de Florans, ce fut un ballet en noir et blanc.
Deux, trois puis quatre puis… jusqu’à six majestés Steinway, aux bons soins d’une petite armée de pilotes de piano, furent disposés tête-bêche, puis deux par deux se faisant face et pour une finale spectaculaire, en ligne pour accueillir douze paires de mains.
Trente années d’un succès toujours grandissant (85000 auditeurs… !) justifiait une grande fête sur la planète piano.
Retenons notre souffle pour un inventaire à la Prévert : un Bach franco-hongrois à quatre pianos, un Mozart à six mains et trois claviers par un Orchestre de chambre de Lausanne sous la baguette d' un Christian Zacharias précis et expressif, un duo inattendu jazz-classique Yaron Herman-JF Neuburger…des gerbes de musique tels des fusées du 14 juillet, encore un duo, encore un trio, puis douze musiciens jouant Wagner (ouverture des Maîtres Chanteurs) dans une transcription effervescente de P.O Dupin.
Et voici deux grandes aînées, Brigitte Engerer et Anne Queffélec, entourées par une majorité de trentenaires, révélations de La Roque, les Strosser, Iddo Bar-Shaï, Shani Diluka, Momo et Mari Kodama, Chamayou, Laloum, les sœurs Bizjak…Jouant Wagner puis Mozart, sur un même diapason, tous ces artistes prirent bien du bonheur à s’exprimer ensemble, à « s’extérioriser », à sourire aux facéties des plus joueurs. Jouer n’est-ce pas aussi…jouer.. ?
Et la joie de faire de la musique ensemble se lisait sur tous les visages, tout comme sur ceux d’un public enchanté de toutes ces surprises. Une exception tout à fait irritante néanmoins, celle de Sandja Bizjak, traits sévères, maintien raide, imperméable aux vivats de deux mille auditeurs. Vite…un coach... !
Dans cette orgie de musique, gardons pour la bonne bouche ce concerto pour 2 pianos de Poulenc, écriture brillante, fantaisiste, enlevée, au larghetto très mozartien, presque parodique, que les jeunes Chamayou et Kadouch ont parcouru avec une audible alacrité.
Et puis, tout naturellement, comme un membre d’une famille qui ne s’annonce pas mais auquel on réserve le meilleur accueil, Yaron Herman, jazzman aussi inspiré que décontracté, vint nous offrir quelques « impros » fluides et d’une belle musicalité. Le héros de cette soirée, ce fut lui.
René Martin, maître à penser du monde musical « classique » et grand ordonnateur de ce festival, aura t’il voulu délivrer un message ?
Variété des genres, diversités d’esthétique musicale, générations mixées…cette fête fut celle du pouvoir de la musique, des musiques, celles qui peuvent servir des causes, de la plus modeste aux plus essentielles.
Nous pensons à ces initiatives majeures que sont le « Sistema » vénézuelien porté par son chef, Gustavo Dudamel et le West-Eastern Divan Orchestra conduit par Daniel Barenboïm.
Quand la musique est magnifiée, elle va bien au-delà de sa fonction purement récréative.
Au nouveau logo de la Roque, une arche protégeant un piano, ne manque, posé sur celui-ci, qu’un trait de crayon : celui qui dessinerait un symbole, celui d’une colombe.
Gérard Abrial
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© Easyclassic - 23/08/2010
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