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Festival de la Roque d’Anthéron

Nuit Bach Récital de Zhu Xiao Mei

A l’issue de son récital, Zhu Xiao Mei est déjà loin. Son bagage bouclé, elle ne pense plus qu’à son retour en Chine pour une durée d’un mois. Combien de récitals "perdus" en pleine saison des festivals ? Voilà bien une question qu’elle ne se pose pas. Vingt ans après son établissement en France, le mot « carrière » ne fait toujours pas partie de son vocabulaire.

Depuis la parution d’une autobiographie qui a connu un grand succès, Zhu Xiao Mei est confrontée une exposition médiatique qui, simultanément lui a ouvert les portes de nombreuses scènes, mais qui concentre aussi sur sa personne une curiosité dont, culture taoïste oblige, elle ne voit pas l’intérêt.
Questionnez là plutôt sur l’influence de Scarlatti sur l’œuvre de Haydn et vous lui rendrez le sourire.

Les « Goldberg » de Zhu Xiao Mei sont profondément différents de la « référence » Glenn Gould. Différents mais pas supérieurs pour autant comme on aura pu entendre hier soir dans le public. Apposer ces versions oui, les opposer, non. Une œuvre d’une telle richesse offre aux artistes des points de vue si variés qu’ils ne peuvent qu’enrichir notre écoute. Entre les albums de Glenn Gould (4 versions bien différentes entre 1954 et 1981) et ceux de Zhu Xiao Mei ( 2007 réenregistrement chez Mirare) il y aura eu de passionnants éclairages au piano moderne par Murray Pérahia, Ekaterina Dershavina ou Evgeni Koroliov.
Comparer, oui, disqualifier, non.
La présence de Zhu Xiao Mei sur scène et le parti pris esthétique de « ses » Goldberg, est tout à fait saisissant.
Désireuse de n’apparaître que comme une ombre, visage invisible, ne respirant qu’au moment de poser ses doigts sur son clavier, dès les premières notes de l’aria, on se trouve bouleversé par son humilité. Quelques Variations plus tard, le ton se fait plus assuré, vivace et résolu. Le naturel avec lequel notre artiste exprime les contrastes des variations lentes, graves et parfois désolées ( 16, 26…) avec celles toutes pleines d’alacrité ( 2, 14, 17…) de ces si grandes miniatures, nous enchante.
Privilégiant la clarté de la polyphonie dans une lecture fluide, souple, aérée, jamais la monotonie, qui serait le premier écueil de cette partition, ne nous menace. Et les dernières notes de l’aria finale (identique à l’initiale qui suggère ainsi un mouvement perpétuel) s’évanouissent dans un des silences les plus profonds jamais entendus dans ce lieu.

Il serait injuste de réduire Zhu Xiao Mei à son seul Bach. Il faut se précipiter sur ses versions de Scarlatti et de Haydn, sur son enregistrement des dernières sonates de Beethoven et de Schubert.

Zhu Xiao Mei les mains jointes sur le cœur nous remercie.
Cette grande artiste qui a fait de l’insatisfaction le ressort de sa vie musicale, à petits pas comptés et mal assurés, s’efface dans la nuit de la Roque.
Nul doute que Bach, du haut de ses nuages, sourit à ce merveilleux talent.

Gérard Abrial
www.easyclassic.com

© Easyclassic - 09/08/2009