Nelson Freire à la Roque
Nelson Freire a acquit sa notoriété sur le tard bien qu’il ait entamé sa carrière à l’âge des prodiges : douze ans.
Longtemps il cultiva le silence, ménageant ses apparitions sur scène, mesurant ses enregistrements en studio. A peine avait-on l’occasion de voir en lui un maître du piano qu’il s’évanouissait, le besoin de faire carrière lui étant aussi utile que la possession d’un GPS pour un moine jaïn. En quête de lui-même et de la musique, il aura passé des années à explorer son répertoire dans la recherche de la probité musicale, du beau son, du raffinement dans la simplicité. Et puis, il y a quelques années, il multiplia tournées internationales et enregistrements et ne put échapper à la célébrité.
Nelson Freire est le maître de la mesure. Mais on ne connaîtra chez lui ni ennui, ni compassion, ni rétention émotionnelle. Et dans l’autre sens, ni panache inutile, envolée grandiloquente ou désir de sidérer son public. L’énergie qui circule dans son Chopin est souple, fluide et poétique. Son texte, pour subtil qu’il soit, ne perd jamais le sens de la ligne directrice et se distingue par une prosodie riche et décantée. Tout est déjà dit dans le développement dramatique 1er mouvement et va se poursuivre dans le long chant d’amour du « Larghetto » second mouvement. Lorsque de nombreux pianistes soulignent l’esprit « mazurka » de l’Allegro final, Nelson Freire l’évoque en demi-teintes pour laisser au premier plan chanter les mélodies, admirables chapelets de notes vivement colorées.
Le geste du serein brésilien, avec le temps s’est stylisé. A 63 ans, il vient d’enregistrer quatre sonates de Beethoven dont une Waldstein et une Clair de Lune. « Il était temps » remarqueront certains. Admirable version. Il y a quelque chose du moine jaïn chez Nelson Freire.
Gérard Abrial.
© Easyclassic - 13/08/2007
|