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Festival de La Roque d’Anthéron

Nous serons à Vienne, le 18 décembre et il sera 23h environ. Une dernière note, celle du neuvième concerto de Mozart k 271. Orchestre : le Wiener Philharmoniker sous la direction de Charles Mackerras. Puis deux ou trois bis…peut-être l’Impromptus n°3 de Schubert. Alors, le grand maître saluera le public du Musikverein et ainsi, mettra un terme à une carrière entamée voila 66 ans.
Dans les semaines précédentes, il aura joué à Paris, Amsterdam, Londres, Berlin, Munich, Milan, Moscou, Bruxelles, Barcelone, Lisbonne, Budapest, Zurich, Hambourg, Baden-Baden, Leipzig. Et à Aix-en-Provence le 12 août 2008.
Les 1366 spectateurs du Grand Théâtre auront eu beaucoup de chance d’assister à cette étape de la tournée d’adieu du grand maître sous le haut patronage des viennois Haydn, Mozart Beethoven et Schubert.
Avec cette sagesse dont il ne s’est jamais départi en 66 ans de carrière, on sait que ces adieux sont irrévocables. Alfred Brendel s’en va donc vers une autre vie, loin des ovations et des interviews, sans amertume ni regrets. Ce que l’on sait de cet être plus que discret, c’est que, passionné de littérature, de peinture, de mathématiques, il ne verra pas le temps passer. D’autres arts l’attendent.

A l’écoute de ce dernier récital, un mot vient à l’esprit et ne nous quitte pas : sérénité. Sérénité de l’homme, sérénité de l’artiste. Aux premières mesures de l’Andante et Variations de Haydn, tout Brendel se fait entendre.
Simplicité désarmante, beauté sonore confondante, économie de moyens, hauteur de vue...le grand maître de 77 ans quitte la scène à son zénith. Rayonnant.
La sonate K 533 nous remémore la subtile complicité qu’Alfred Brendel aura entretenu sa vie durant avec Mozart, ce Mozart qu’il a toujours considéré comme le compositeur le plus délicat à interpréter. Nous ne pensions pas qu’il y avait tant à encore découvrir dans cette œuvre. Un rêve passe… On doit à Alfred Brendel d’avoir été le grand prosélyte des sonates de Schubert. Le grand public les aura découvertes sous ses doigts avant qu’elles ne séduisent d’autres interprètes. Il y a aura eu un avant ( Haskil, Serkin, Richter…) mais son interprétation demeura un point culminant de sa carrière. Aux dernières mesures de cette sonate, le merveilleux silence d’avant les applaudissements se fit éternité.
Quel plus beau cadeau Alfred Brendel pouvait nous faire en jouant le troisième Impromptu D 899 de Schubert ? Sur cette musique tout en douce mélancolie et profonde sérénité, le maître nous quitte, sur son visage un sourire plein d’aménité et de gratitude…
Nous n’avons pas le souvenir d’un tel silence, d’un tel recueillement pendant l’écoute de cette oeuvre. Il faut se référer à une forme de spiritualité, à la sensation d’une prière murmurée qui transcende des émotions qui nous parcourent, corps et âme.
Et ce récital, parce que c’était un adieu, parce que c’était un moment de grâce, parce que c’était un hommage d’une pureté suprême à la musique, restera gravé dans nos mémoires pour toujours.

Gérard Abrial
www.easyclassic.com

© Easyclassic - 19/08/2008