Carmen à Lacoste
Festival de Lacoste
16 juillet 2007
Carmen Opéra de Georges Bizet.
Du plaisir des sens.
Eve Ruggieri, en avant-propos de cette soirée, souligne la « magie » des carrières de Lacoste. Epithète passe partout ? Non, la plus fidèle définition d’un lieu si « magique » que, subjugué, Pierre Cardin va le choisir dès 2000 pour écrin de son festival.
C’est peut dire que cette cathédrale minérale est le décor rêvé pour le lyrique. Ce qui en fait sa beauté ? Son vide. Car, hormis les étoiles, rien de vient distraire les sens des auditeurs. Et s’il y a une œuvre qui soit susciter sensations et sensualité, c’est bien Carmen.
Cette production a comme légitime ambition de nous intéresser à une histoire bien qu’elle soit de longue date connue, de charmer nos yeux (bon goût de simples décors, éclairages de toute beauté), de flatter notre ouïe, de rendre fluide, sans maniérisme l’intrigue par une mise en scène sobre et efficace. En ce sens, cette production signée Paul-Emile Fourny aura réussie le pari de l’homogénéité, vertu première de cet art concentré des arts.
Placée sous le signe de la jeunesse (moyenne dans la fosse : 20 ans, sur la scène moins de 30) on n’exigera pas de cette production qu’elle surmonte à chaque instant les difficultés d’une orchestration subtile et riche, la complexité des interactions entre les personnages, les considérables difficultés vocales, art de grande maturité.
Mais tant de fraîcheur et d’enthousiasme chez ces artistes effacent des réserves qu’on laissera à l’esprit chagrin qui n’aura pas été de surcroît sensible à celui des lieux.
Marie Kalinine, (*) Carmen de Lacoste, mezzo soprano dotée d’un beau médium mais de graves perfectibles, aura souffert de quelques bourrasques qui auront emporté ses belles vocalises hors de notre écoute. Ligne de chant stable, articulation nette (« Séguedille » espiègle à souhait, bien colorée), notre Carmen séduit pas un bel abattage, un pouvoir de séduction sans vulgarité et une bonne aisance scénique.
Le Don José de Luca Lombardo (aîné des premiers rôles), un peu linéaire, constamment soucieux, peu contrasté dans son évolution psychologique, se sera vocalement distingué par une émission claire, une très belle diction, une bonne projection, des aigus faciles et justes. La Micaëla de Valérie Condolucci est une contre Carmen parfaite, pure et sobre et l’Escamillo de Nabil Suliman évite l’écueil du jarret nerveux et de la fatuité tauro-macho.
Un opéra réussi comporte des mystères qui ne sauraient être analysés, des altérations qui participent à son charme.
Et le charme de cette Carmen aura tout au long de cette douce nuit, opéré.
Plus qu’une soirée d’opéra, un bienfait des nuits d’été.
Comme un hommage à Régine Crespin, si loin, si proche…
Gérard Abrial
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© Easyclassic - 18/07/2007
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