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Chronique de La Roque 1

Ecrivain majeur, George Sand mérite le titre de pire organisatrice de voyages du 19 ième siècle. Sur la calamiteuse équipée à Valdemosa, Chopin se souvient: Climat délétère et hébergement insalubre, nourriture infecte et hors de prix, hostilité des autochtones et médecins incompétents…le grand mélancolique a manqué rendre son dernier souffle aux Baléares. Lui qui aimait les paisibles végétations, les climats doux et tempérés, les promenades lénéfiantes, que n’a-t-il choisi la Roque d’Anthéron pour villégiature? Ici, à l’ombre des grands séquoias, parcourant de son pas mesuré les allées de platanes, il aurait offert à son corps et à son esprit des vacances autrement plus bénéfiques que celles bien tourmentées de la sinistre chartreuse espagnole. Précurseur, n’aurait-il pas, comme les fondateurs du festival, entendu quelques effluves de ses Mazurkas ou ses Nocturnes se répandant dans la clairière du parc, au grand délice de mélomanes enchantés ? Mais, si Chopin ne vint jamais dans le pays d’Aix, ici, à la Roque, voici 26 ans qu’on le célèbre.

Chopin dans son écrin
Quels sont les motifs de cet engouement pour Chopin qui, au fil des ans, ne se dément jamais ? Ils sont multiples. En premier lieu, celui de la scène du Parc de Florans. Jaugeant 2300 places, la grande clairière n’est pas surdimensionnée pour un récital à ciel ouvert donné par un piano seul. Acoustiquement, le moindre trait murmuré d’une Ballade parvient aux derniers rangs dans toute son intégrité. Visuellement, la scène du Parc, aux grands Steinway offre l’écrin végétal propice à la musique la plus pianistique qui soit. Et au-delà, si Chopin colle à l’image du Festival, c’est qu’il est « le » compositeur fétiche de ce public hétérogène propre aux événements du concept « René Martin ». Ce dernier « penseur musical » de la Roque comme de la Folle Journée de Nantes et quelques autres rendez-vous planétaires, invite les claviers les plus doués pour des Chopin pluriels et souvent inattendus.

Festival Chopin
Au palmarès des compositeurs les plus joués au Parc de Florans, il arrive bon premier. Intégré fréquemment dans des programmes « patchwork », son œuvre fait l’objet chaque année des fameuses « Nuits Chopin » et on se souvient de l’intégrale Abdel Rahman El Bacha en 2003. Depuis 1980, Chopin aura été le révélateur de bien de jeunes talents désormais promus pour certains « grands fauves » du clavier. Preuve en fut donnée pour la première nuit Chopin de ce 27 juillet. Marylin Frascone nous a enchanté. Quelques mesures fébriles dans la Fantaisie op 49 et son jeu révèle alors un grand tempérament musical. Son Nocturne, ses Mazurkas, sa Polonaise, sont peints avec du caractère. Les timbres, couleurs, nuances sont sans cesse mises en lumière par une pulsation continue, parfois contenue, souvent libérée. Marylin Frascone ne joue pas du piano, elle habite la musique et la restitue en prenant des risques, en se dévoilant. Un Chopin qui rayonne, une artiste aussi belle que sensible, le « cadeau » de cette fin juillet. Prochain rendez-vous avec la musique du miraculé de Valdemosa, le 7 août. On ne s’en lasse pas.

Ps qui n’a rien à voir.
Le quatuor Ebène en cette soirée du 31 juillet s’est affranchi de la barre de mesure « classique » pour une soirée « jazzy ». Une brèche bienvenue entre deux mondes dès lors qu’elle est ouverte par des artistes enthousiastes et talentueux.

© Easyclassic - 04/08/2006