Drame sur une dune désolée.
De l’adolescente éprise du beau « marine » à l’acte 1 à la femme pleinement consciente qui se poignarde au dénouement de cette « tragédie japonaise », Butterfly est la figure féminine la plus délicate à restituer de l’univers de Puccini. Plus que Mimi, Tosca ou Turandot, « saisies » dans un épisode de leur existence, c’est une personnalité complexe et subtile qui grandit devant nous. Et la musique de Puccini, tout aussi complexe et subtile est une des plus abouties de l’opéra italien du XX ème siècle.
C’est dire que cette œuvre si populaire, dont certaines versions font figure de références inatteignables, ne souffre ni banalité ni mise en scène approximatives…
Cette production marseillaise aura évité ces écueils. On pourra même avancer que son constant souci de demeurer dans un « juste ton » (direction, voix, décors, mise en scène …) loin de générer l’ennui aura conféré à celle-ci un charme particulier. On connaît la formule : le tout aura été plus que l’ensemble de ses parties.
L’œil du spectateur n’aura été que peu sollicité : un fond se scène uniforme que seules d’admirables lumières viennent animer, suggère les temps forts d’un drame qui se déroule sur une dune désolée face à un océan morne. Pour seul décor, une cahute en bois et trois accessoires.
Ainsi, avec plaisir nous avons tendu l’oreille, l’œil mi-clos, dispensés de décors envahissants et autres vidéos si souvent inutiles.
Patrick Davin dirige un orchestre dont on dira le plus grand bien. Cohérent, bien équilibré, répondant vivement aux parti pris très nuancés de son chef, cet ensemble rendit parfaitement la « houle sonore puccinienne ». Lauriers mérités pour des cordes dont la palette sonore nous aura captivé à chaque trait.
La mise en scène de Numa Sadoul, pour être sobre et peut-être sans beaucoup d’imagination, dessine néanmoins d’une manière très efficace le profil de chaque protagoniste. Sur cette scène, on se meut sans gesticulation, on ne se roule pas par terre, on grimace peu. On montre, on ne démontre pas.
Liping Zhang (*) sera une Cio-Cio San fragile et forte, idéaliste mais réaliste, un soprano à la voix d’une grande stabilité, au timbre souple et chaud, au phrasé irréprochable, à la projection naturelle. Elle nous aura séduit mais pas subjugué, son interprétation paraissant parfois un rien automatisée.
James Valenti, 1m97 d’une anatomie généreusement bodybuildée, sera un Pinkerton ambigu, immature, veule mais par moment, sincère car dépassé par les événements. Il chante sans reproche mais ne se distingue, ni par sa richesse vocale, (aigus modestes) ni sa grande expressivité. Mais, à ce rôle difficile, il donne une vraie crédibilité. Suzuki sera la « voix » de cette soirée. Qui Ling Zhang est un contralto de tout premier plan. La voix est d’une ampleur et d’une profondeur confondantes, son rôle assumé avec un naturel parfait. Son « duo des Fleurs » aura été le temps fort de cette production.
On aura toutefois été agacé par la surexposition de l’enfant de Butterfly. Allant de bras en bras, ce fils naturel l’est en fait très peu ne serait-ce par son âge, anachronique. Errant sans fin sur scène, n’aurait t’on pas pu lui épargner le spectacle du suicide de sa mère ?
Mais on ne boudera pas notre plaisir. Ce que Puccini avait à dire fut dit.
Avec simplicité et naturel. L’histoire d’une mauvaise rencontre…
Gérard Abrial
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© Easyclassic - 04/11/2007
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