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Opéra de Marseille Colombe de Jean-Michel Damase

Et Colombe parait, douce, modeste, toute de vertu et de transparente générosité. Et sur le champ on va l’aimer, cette héroïne d’Anouilh méconnue. Elle chante, Mary Poppins un peu Cosette, elle chante son amour pour Julien, son mari appelé sur le front. Et la musique de Jean-Michel Damase, toute de charme, raffinée, fauréenne dans son évocatrice clarté, nous promet un moment d’opéra divertissant et apaisant, sans hystérie ni drame. Et ainsi, Colombe prend son envol, s’éprend de théâtre, se laisse innocemment séduire par des hommes épris de sa candeur et de sa grâce.
Bien installé dans un climat qui tient plus à une pièce de théâtre chantée qu’un opéra, on apprécie la caractérisation des personnages, l’évolution d’une intrigue assez prévisible mais harmonieuse, le naturel et la finesse des dialogues. Mais..mais…Anouilh ( on se souvient de son Antigone) n’est pas, on le sait, innocent.
Sa Colombe, contrairement à ses autres sujets figés dans leurs costumes, va évoluer, se découvrir, se révéler. Et d’épouse soumise au modeste monde de son Julien, elle se mue en redoutable meneuse de revue, jouant de son minois, usant de réparties plus amères que douces, exploitant la balourdise de ses prétendants. Et pour finir, sans y voir le moindre mal, elle trompera son mari et, à peine désolée, le congédiera. Fini la comédie, c’est l’heure où les masques tombent. Colombe, lucide et pragmatique voit les hommes tels qu’ils sont. Julien ? Puéril et sans ambition. Mr Du Bartas ? Un séducteur fané. Mr Poète chéri ? Un rimailleur faraud. Armand ? Un bellâtre inconséquent. Lucide aussi sur Madame Alexandra, une copie de Sarah Bernhardt, méchante et âpre au gain à la scène comme à la ville. Et ainsi passe t-on du sourire à la grimace, d’une opérette à un opéra.

Le casting de cette production est parfait. On chante juste et bien, on articule parfaitement, l’orchestre dirigé par l’excellent Jacques Lacombe va toujours de l’avant, les décors, élégants, servent à merveille une mise en scène réglée au millimètre par un Robert Fortune qui ne nous en dit heureusement pas plus qu’il n’y a à comprendre.
Soprano épanouie, comédienne parfaite, Marie-Catherine Gillet a l’envergure de Traviata ou Tosca. Elle restera dans les mémoires.
Même si après elle, les colombes ne seront plus jamais aussi blanches…

Gérard Abrial
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© Easyclassic - 06/02/2007