Musicales du Luberon Ménerbes 27 juillet Ensemble Niguna Direction et soliste : Sonia Wieder-Atherton
Je n’en fais pas mystère, et ce depuis des années : je suis un fan de Sonia Wieder-Atherton, et à cette heure, tout disposé à avouer cette inclination. Inclination coupable car l’exercice de ma modeste profession requiert idéalement de ne pas confondre mes goûts personnels avec les événements musicaux dont je rends compte. Si cela se peut…
L’objectivité est ici un vain mot, mais tenir à distance ses a priori est nécessaire.
Exemple ? Contre-exemple ? Pas plus tard que ce 24 juillet, je savourais le compte-rendu de Marie-Aude Roux, plume musicale du « Monde » à laquelle je voue un culte, autant pour ses talents littéraires, son érudition jamais prise en défaut et, souvent la pertinence de ses points de vue, ceux-ci étant parfois explosifs. Sujet de son compte-rendu, Rafal Blechacz, jeune pianiste polonais, lauréat du prestigieux concours Chopin de Varsovie. Voici celui-ci couvert d’éloges pour un récital de rêve donné à La Roque, qui fait écho à son dernier disque. On peut lire : «…des trésors de sensualité, un jeu élégant et lyrique, brillant mais sans excès…Excès qui précisément nous a manqué tout au long de ce concert. » Et vlan… !
Retour à Sonia W.A.
Excès : voici un substantif souvent accolé au nom de l’invitée des Musicales de ce 27 juillet. En vrac.. : «… trop d’engagement, trop de tensions, des fortissimo à la limite de la saturation… en deux mots, volubile à l’excès…» Je peux comprendre les réserves que, parfois, les partis-pris esthétiques de Sonia suscitent. Mais, avec une bonne dose d’intolérance avouée, je ne les écoute que d’une oreille. Quant aux détracteurs obtus… je les fuis.
Soliste, chambriste, auteure d’une vaste discographie dont je connais le moindre sillon, cette violoncelliste ne cesse de susciter mon admiration. Hier, en l’église de Ménerbes, c’est une autre Sonia W.A que nous avons découvert. Leader-partenaire d’un ensemble récent, « Niguna » , formé de neuf artistes, toutes et tous excellentissimes, Sonia a montré sa capacité à créer un monde acoustique saisissant par le fait de la subtile fusion des cordes, des instruments à vent et d’une harpe. Par le fait aussi d’une mystérieuse alchimie : multiples dialogues entre deux instruments, variations d’effectifs, et effets spatiaux-temporels concourant à une véritable hypnose sonore.
Sans passer aux rayons X chaque œuvre d’un programme abondant (dont nous avons perdu le fil à cause de modifications de dernière heure), il nous suffira de dire que le bonheur musical aura occupé le moindre recoin de ce lieu doté d’une si belle acoustique. Temps fort et écoute en apnée : un des Rückert-Lieder de Mahler. Puis, en seconde partie, l’ensemble Niguna fit découvrir ces noms peu connus que sont Martinu, Krawczyk, Dohnanyi…
L’univers « mittel-europa », un choix « militant, commémoratif » aura été exploité à merveille jouant l’alternance « jubilation-mélancolie » propre à ces pages gorgées de thémes populaires ou qui s’en inspirent. Passent, tels des clins d’œil, tendres mélopées d’une clarinette « klezmer », syncopes des violons « à la tzigane », douceur d’un trait élégiaque d’une contrebasse envoutante suivie d’une soudaine houle sonore de dix instruments qui célèbrent la joie, la mémoire, l’espoir, le pouvoir de la musique sur nos âmes.
Un concert au-delà d’un concert…
Gérard Abrial
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© Easyclassic - 30/07/2012
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