Festival de la Roque d’Anthéron 2018
« Il n'y a pas de théorie : il suffit d'entendre. Le plaisir est la règle. » Claude Debussy
« On doit laisser la musique éclore d’elle-même. Pourquoi devrais-je mêler mes préoccupations, mes sentiments à cette partition, dont une seule page est plus importante que ma vie ?"
Arcadi Volodos
Avant-propos
Si cette sélection commentée relate un nombre limité de concerts, presque exclusivement des récitals de piano, elle ne déconsidère pas pour autant les autres genres musicaux (concerts de clavecins, œuvres chorales, jazz…) Mon choix parcourt ainsi une période de plus de trois siècles du genre « baroque à celui « moderne »
A quelques exceptions près, je ne cite pas tous les grands « fauves » du piano. Ils sont célèbres, leurs noms parlent d’eux-mêmes, ils n’ont guère besoin de ma réclame mais certains sont si irrésistibles qu’on ne peut pas les passer sous silence. Que vous soyez un mélomane assidu aux salles de concerts ou que vous fassiez vos premiers pas pour le devenir, ce festival est pensé pour vous. La vertu majeure de La Roque est de faire apparaître les talents émergents, ceux qui, pour la plupart, vont briller sur la planète piano. Issus sont de la génération des 20-30 ans, ils sont lauréats des plus importants concours de la planète, jeunes musiciens au seuil de carrières internationales ou bien déjà engagés dans celles-ci. Leur singularité ? Nous faire entendre des Chopin ou des Ravel, des Beethoven ou des Mozart, personnels, originaux, restitués en toute liberté, témoignant de leur plus profonde personnalité. On ne dit jamais d’eux : « ils ont bien joué mais qu’ont-ils dit ? » Allez les entendre. Vous pourrez clamer : « J’y étais… » ( Effet garanti en société…)
Si vous m’y autorisez, voici quelques principes et autres conseils en toute subjectivité :
Les vedettes de ces récitals sont avant tout les compositeurs et leurs œuvres. L’interprète est à leur service. Pas l’inverse. Si Mozart vous enchante, précipitez vous même si son interprète vous est inconnu. Mais si Prokofiev vous insupporte, Grigory Sokolov (le plus sidérant des fauves) lui-même n’y pourra rien).
En résumé, sachez distinguer l’éphémère (l’interprétation) de l’éternel (l’œuvre)
Fruit de mes rencontres avec (pratiquement) tous les pianistes présents à La Roque depuis 1990 (partenariat 1998-2015) je crois pouvoir témoigner chez ceux-ci (en majorité) un état qui ne se définit pas plus qu’il ne se mesure mais que le public néophyte ou mélomane éprouve: leur charisme. Une chose est d’être un excellent interprète, une autre est de savoir transcender son art, de créer une densité émotionnelle, d’entrer en résonnance avec un public. C’est l’intérêt de cette sélection.
Bien que largement médiatisés, certains (rares) pianistes, sciemment, n’apparaissent pas ici. J’en assume le parti-pris. Indices alarmants : interprétation fondée sur la séduction, prédominance de la virtuosité, effets histrioniques, jeu érigé sur la démonstration. Beaucoup de notes, peu de musique…
La sobriété raffinée d’Anne Queffelec, la rutilance maîtrisée de Danii Trifonov, la diction si naturelle de Christian Zacharias…sont autant de modèles de comparaison.
La musique n’est pas une affaire d’intellect ni de savoir musicologique mais de disponibilité émotionnelle.
Plaisir, bonheur, passion, frisson…la musique est un art avant tout sensuel.
Je vous souhaite de belles rencontres musicales, envoûtantes et mémorables.
Gérard Abrial
concerts@mailomanes.fr
www.easyclassic.fr
Programme complet sur : www.festival-piano.com/
+33 (0)4 42 50 51 15 courriel : info@festival-piano.com
Prix des places : de 16,00 à 55,00 €
*** Célébrités ♕
** De bonne composition ♬
« J’y étais »
Lundi 16 juillet 21h30 Eygalières ♕
Augustin Dumay violon
Gérard Caussé alto
Matan Porat piano
Quatuor Modigliani
C’est une absorption paisible et concertée des Nuits musicales d’Eygalières par le Festival de la Roque d’Anthéron. Heureuse initiative car les soirées eygaliéroises (par ailleurs remarquablement organisées) jouaient la carte de l’ « entre soi » d’un public majoritairement composé de la jet-set locale. Les mondanités ? Tout ce dont la musique n’a vraiment nul besoin.
Contrairement à l’élitisme et au « prestige » comme ambition première des Nuits d’Eygalières, tout dans le Festival de la Roque proclame: « De l’élite, oui mais pour tous. » Programmation, communication, volonté d’une « mixité sociale », politique tarifaire…tout l’atteste.
Au programme de ce 16 juillet, une amicale confrontation, celle entre deux grands virtuoses de l’archet, Augustin Dumay et Gérard Caussé et de plus jeunes musiciens, Matan Porat (piano) et le Quatuor Modigliani. Un programme bâtit sur deux chefs d’œuvre :
De Brahms (1833-1893) : Quatuor pour piano et cordes n°1 opus 25
De Dvorak (1841-1904) Quintette pour piano et cordes n° 2 opus 81
La musique de chambre de Brahms recèle quelques trésors pour diverses formations instrumentales. Parmi ses 3 quatuors avec piano, le 1er fut révélé avec succès au public en 1861 sous les doigts de Clara Schumann. Le dernier mouvement « rondo alla zingarese » (presto à 2/4) fait partie de ces pièces musicales si radieuses que les cœurs les plus secs ne peuvent y résister. L’inspiration « zingarese » de Brahms est contagieuse…
On sait l’amitié réciproque entre Brahms et Dvorak, celui-ci trouvant en son aîné un solide et fidèle promoteur de ses œuvres. Le second mouvement du quintette dit « Dumka » se déploie par quelques notes méditatives et candides égrenées sur un clavier seul. Démonstration : nul besoin d’un orchestre de 80 musiciens pour, ici, éprouver que la beauté la plus pure s’exprime avant tout dans la simplicité. Ce motif assez hypnotique parsème la partition. Envoûtement garanti.
Vendredi 20 juillet 21h30 Parc de Florans
Arcadi Volodos, piano ♕
Orchestre Philharmonique de Marseille
Direction Lawrence Foster.
Beethoven : Concerto pour piano n°3
Symphonie n°6 dite « Pastorale »
Dans son roman «La tâche» Philip Roth évoque l’apparition sur scène d’un pianiste (Yefim Bronfman) si massif et imposant que le romancier dit l’avoir confondu avec un déménageur de piano capable de se saisir de l’instrument d’une seule main pour le déposer en coulisses. Arcadi Volodos aurait pu aussi faire l’affaire…
Virtuose sidérant, doté d’une autorité naturelle et d’une technique surnaturelle, l’artiste russe connut une période «démonstrative», non exempte d’une virtuosité parfois sur-jouée.
Puis vint le temps de la lucidité. Tout comme Arthur Rubinstein au fait de sa jeune gloire, Volodos reprit son jeu à zéro pour renaître à l’essentiel, le rejet de la démonstration, une preuve d’humilité face aux compositeurs dont il est désormais un fidèle traducteur.
Voici notre musicien de retour sur les plus grandes scènes internationales fort d’une exigence, d’une profondeur de pensée, d’une puissance évocatrice hors-norme.
Aveu détonnant de ce colosse plutôt secret : « On doit laisser la musique éclore d’elle-même. Pourquoi devrais-je mêler mes préoccupations mes sentiments à cette partition, dont une seule page est plus importante que ma vie ? » (Diapason juin 2017)
A son programme, de Beethoven, son 3 eme concerto pour piano. Une œuvre marquante dans le cycle des 5 concertos. Voici un chef d’œuvre affranchi de toute esthétique mozartienne, qui, au contraire des deux premiers concertos, bouleverse les modus operandi du style classique.
Les deux concertos suivants appartiennent pleinement au style romantique. Transgressif, audacieux, hors-norme…Beethoven, dans son noir auditif, n’aura jamais entendu que lui-même.
Lundi 23 juillet Gordes 21h
Dana Ciocarlie, piano
Chopin-Schumann
Parmi les nombreux talents de musicienne de Dana Ciocarlie, deux émergent avant tout : son expressivité et sa vitalité. C’est à dire l’essentiel de la musique, musique qui part de son cœur pour parvenir au notre, sans filtre, ni écran.
Dana, d’origine roumaine, peut sans forfanterie se réclamer d’un esprit commun avec deux de ses légendaires compatriotes inspirateurs : Dinu Lipatti et Clara Haskil.
Nommée aux Victoires de la Musique pour son intégrale Schumann en 13 CDs, notre musicienne accède depuis 2017 au firmament des grands schumanniens de notre époque. Une intégrale des œuvres pour piano seul suscite une question essentielle: la connaissance de la psychologie (ou plus simplement du fond de caractère) des compositeurs est-elle une exigence pour les interprètes ? Si certains pianistes, et non des moindres, jugent cette voie superflue, il semble ici tout à fait déraisonnable de ne pas appréhender l’homme Schumann, depuis ses années d’innocence jusqu’à celles de sa démence. Aucun compositeur n’abandonna autant son âme à son piano, surtout après une carrière d’instrumentiste avortée.
Dana Ciocarlie s’est imprégnée des biographies les plus récentes ainsi que de la correspondance du couple Schumann pour faire émerger l’image qu’elle s’est forgée du compositeur. A l’auditeur de se confronter avec l’écho de celle-ci et in fine, l’approuver ou ne pas l’approuver. A cet instant, la subjectivité sera à son point de fusion…ou de confusion…
« Il faut avoir un amour démesuré envers Schumann pour s’engager dans un projet tel que celui de Dana Ciocarlie. Graver l’intégrale de son œuvre pour piano seul est une aventure folle (…) un long voyage intérieur (Dolce Volta)
Soirée majeure.
Jeudi 26 juillet Grand Théâtre de Provence 21h00 ***
Grigory Sokolov, piano ♕
Haydn-Schubert
Sokolophiles et sokololâtres rassurés.
Dépit lors de la présentation à la presse de la programmation 2017: sur celle-ci Grigory Sokolov n’y figure pas. 2018 : voilà notre phénomène de retour. Soulagement.
Subjugué lors de ma première rencontre en juillet 2003 au Temple de Lourmarin avec ce demiurge hors norme,(http://www.easyclassic.fr/W/EZ/S/Articles/index.php?id=13)
je n’avais jamais manqué ce rendez-vous-rituel avec l’insondable Grigory Sokolov. Ceci aurait été inconcevable. 13 récitals, 13 saisissements, 13 séances d’hypnose.
Grigory Sokolov est un cas à part, sans pareil. Tout en lui porte l’empreinte de la singularité. Voila un interprète jouant « ex nihilo », qui ne se réclame d’aucune école, d’aucun enseignement, de quelque influence musicale que ce soit, ne s’autorisant que de lui-même. Et tout ceci sans s’approprier la partition, sans modifier la moindre double-croche, sans aucun esprit de provocation.
Les conceptions interprétatives de Sokolov étant « hors normes », affirmer qu’il joue Brahms mieux qu’un tel ou Couperin moins bien qu’un autre, n’a aucun sens.
Richter ou Guilels, ces contemporains que jeune il côtoya, ont pu être des initiateurs mais non des inspirateurs.
A ce jeu, bien entendu, une frange (très réduite) de mélomanes instruits lui reproche de « faire du Sokolov. » A ceux-ci nous répondons : « Pourvu que ça dure… ! »
Si on devait isoler une seule des grandeurs sokoloviennes, on soulignerait cette capacité assez surnaturelle de transmuer la matière sonore, par essence invisible et immatérielle, en un matériau concret, tangible, palpable et manifeste.
Sous une technique infaillible, pas une note produite par Sokolov qui ne soit privée de sens, qu’on approuve ce sens ou pas, qu’on l’adopte ou qu’on le rejette.
Par ailleurs, il n’échappe pas au public, même le moins averti, que jamais ce pianiste, qui semble parfois atteindre le point de rupture sonore comme émotionnel, ne cherche ni à convaincre, ni à subjuguer. Ceux qui tentent de résister au torrent Sokolov, de s’interroger sur la validité des partis pris interprétatifs du russe qui jamais ne sourit, abdiquent. C’est donc avec impatience que nous allons retrouver la musique de cet homme qui s’applique une régle intransigeante à lui-même : « L'interprétation, ce n'est pas le travail de dix minutes, de dix jours ou d'un mois, c'est le produit de toute la vie ».
Samedi 28 juillet 20h30
Ou dimanche 29 juillet
Théâtre Antique d’Arles
Maria-Joao Pirès piano
Matthieu Ricard, récitant
Voici une initiative originale et passionnante qui s’inscrit dans le droit fil de l’intérêt de la Roque pour des événements péri-musicaux. Les mélomanes non-sectaires en feront leur miel. Car sans même connaître cet inattendu duo, on votera mille fois oui pour lui. Pourquoi donc ? Parce que Maria-Joao Pires, mozartienne et schubertienne parmi les plus renommées est aussi une militante de grandes causes humanitaires. Il était donc assez logique qu’elle croise le chemin de Matthieu Ricard, moine bouddhiste, traducteur de la langue tibétaine, conférencier à succès et porte-parole du Dalaï Lama.
Thème de cet événement : « Contemplation-Art de la Fugue et Art de la Méditation ».
Au programme de Maria-Joao Pirès : Partitas de J.S Bach.
On brûle de curiosité
Dimanche 29 juillet 21h30 Parc de Florans
Bertrand Chamayou, récital de piano ♬
Transcriptions d’œuvres de Schumann, Chopin, Wagner
Ici, à La Roque, les horaires de passage des artistes sont comme autant d’indices de la maturation de leur talent. 18h, baptême du feu pour les pianistes les plus jeunes, 20h pianistes en voie de consécration, 21h30 musiciens à leur apogée. Mais il y des exceptions à cette progression horaire lors d’apparitions de talents hors du commun, parfois même « ex nihilo » (Lucas Debargue) ou déjà consacrés par de récentes apparitions hors Europe tels Daniil Trifonov ou Vikingur Olafsson.
Bertrand Chamayou, 37 ans, rayonne sur toutes les scènes de la planète piano, joue avec les plus grandes formations, est dirigé par des chefs au firmament de leur art.
Détenteur d’un répertoire considérable, le succès de ses disques appellent les superlatifs de tous ordres. Malgré tout, Bertrand Chamayou demeure un musicien discret, constamment aimable, qui sert la musique avec la plus grande des probités en ne se citant jamais et en n’oubliant pas de nommer ses maîtres. Parmi eux, Aldo Ciccolini, son vénérable mentor.
A son programme, presque uniquement des transcriptions, œuvres dont on sait à quel point elles sont exigeantes. Et signées Liszt, bien au-delà.
Ouvrage de référence : Jacques Drillon Liszt transcripteur ou la Charité bien ordonnée
Actes-Sud 1993
Mercredi 1er août 20h-22 Parc du Château de Florans
Nuit du Piano : Musique française
20h Sanja et Lidija Bizjak, piano
Alexandra Soumm, violon
Hahn-Poulenc-Milhaud
22h Jonas Vitaud, piano
Debussy-Poulenc
Orchestre de Cannes
Direction : Benjamin Lévy
La musique russe serait’ elle plus « authentique » jouée par des Russes, celle anglaise par des Anglais, française par des Français… et ainsi de suite ? Certes non. Il en va de même pour les écoles nationales de musique dont, il y a peu, les musiciens issus de ces conservatoires se prévalent d’un « son » un « style » une manière d’interpréter les partitions.
La mondialisation a abolit cet « héritage » musical jadis censé restituer l’essence, les « racines » des œuvres. Pour preuve, la première partie de ce programme franco-français confié au duo Bizjak, d’origine serbe. Dans le sillage de nos sœurs tricolores, Katia et Marielle Labéque, voici Sanja et Lidija, solidement ancrées dans le top-ten des duos à quatre mains ou deux pianos. Elles feront certainement l’unanimité dans un programme réjouissant, soit la Suite Hongroise de Hahn pour piano, violon, percussions et orchestre à cordes. Puis le brillant concerto pour deux pianos et orchestre de Poulenc. Et pour finir, le fameux Bœuf sur le Toit de Milhaud.
C’est Jonas Vitaud, pianiste, qui assurera la deuxième partie avec un Debussy très célébré pour cause de centenaire de sa disparition. Jonas Vitaud, musicien aussi discret que talentueux, donnera la Sarabande extrait de la Suite pour piano puis la Fantaisie pour piano et orchestre. Et pour clore cette soirée, la délicieuse Sinfonietta de Poulenc.
Jeudi 2 août 18h Parc du château de Florans
Gaspard Dehaene, piano
Schumann-Wagner/Liszt
Parcours classique pour ce jeune musicien qui apparaîtra au Parc de Florans à 18h.
Gaspard Dehaene commence à étudier le piano à l'âge de cinq ans. Il entre en 2004 au CRR de Paris obtient le DEM de piano, puis en 2007 est admis au CNSM , en poche un Master mention Très Bien en 2012 Il reçoit l’enseignement de Pascal Amoyel, Georges Pludermacher, Jacques Rouvier, Jean-Claude Pennetier puis le regretté Aldo Ciccolini. Autant dire, les pédagogues les plus courus de la planète piano européenne.
Gaspard Dehaene ne confond pas venir sur scène et se mettre en scène. Bien que doté d’un charisme avantageux, tout en lui respire la modestie de l’artiste qui vient servir les partitions en les nourrissant de la singularité de son langage.
A la complexe Phantasiestücke op 12 de Schumann, Gaspard Dehaene injecte une énergie empreinte d’une grande noblesse, d’une élégance rayonnante, d’un indéniable sens poétique dénué de toute affectation ou emphase. Sa maîtrise de ce récit confère à celui-ci une diversité de ton, une expressivité remarquable, tout un art du rebond, de la souplesse, de la relance. Ainsi, l’ennui ne menace pas l’auditeur car timbres, couleurs, phrasés parfois syncopés ou imprévisibles, maintiennent toute son écoute en éveil.
Doté d’une pensée musicale étonnante de maturité, ce jeune musicien investit l’univers intime de chacun de ces compositeurs avec un naturel confondant. Jeu transparent, élégante simplicité, récit qui ne sent jamais l’effort, notre (trop) discret virtuose, nous dispensant de toute rhétorique ou conception envahissante, montre plus qu’il ne démontre, suggère plus qu’il ne dicte, propose plus qu’il n’impose.
Gaspard Dehaene joue désormais dans l’Europe entière et parfois à quatre mains avec la seule pédagogue à la quelle il ne doit pas formation : sa mère Anne Queffelec.
Jeudi 2 août 21h Parc du château de Florans
Seong Jin Cho ♬
Récital de piano
Debussy Images
Schumann Phantasiestücke op.12
Chopin Sonate n°3 op. 58:
A la suite de nombreux artistes asiatiques de la trempe de Lang Lang ou Yundi Lee, chaque année, du Japon, de Corée du Sud, de Chine, émergent de jeunes pianistes pétris d’ambition, rêvant de devenir les Usain Bolt du Steinway. Virtuoses en culottes courtes (ou effets féminins sexy..) la prévalence de leur succès est irréfutable. Sujet de fierté cocardier : ces formidables musiciens doivent beaucoup aux pédagogues du Conservatoire de Musique de Paris. Exécutants habiles, ils se révèlent fins musiciens. Seong Jin Cho, sud coréen, élève de Michel Beroff en est une parfaite illustration. Inutile ici de détailler ici la moisson de ses plus prestigieux lauriers. Il ne s’agit plus de récolte mais de déforestation.
A l’écoute de son deuxième CD (Concerto pour piano no 1, Quatre ballades - London Symphony Orchestra, dir. Gianandrea Noseda ( 2016) nous avons été dès les premières mesures séduits par la pureté de son jeu, son absence d’un quelconque histrionisme ( de quoi inspirer miss Buniatishvili…) par le tact parfait de son esthétique musical, tout en nuances.
Comment un si jeune homme peut ‘il restituer tant de si subtils sentiments, perceptions, sensations, qu’à son âge (23 ans) il n’a certainement pas tous éprouvés ? Quant à sa vélocité musicale, pensons à ce conseil dispensé par Vladimir Horowitz à un artiste anonyme : « Pour ne pas être seulement un virtuose, il faut d’abord l’avoir été… »
Mais confronté à tous ces triomphes et à des sollicitations par centaines, le cerveau de Song Jin Cho tiendra t’il le choc ? Si jeune, la gestion d’ une carrière est aussi délicate que l’interprétation des Images de Debussy. Moderato donc…
Mardi 3 août 18h Parc du Château
Philippe Hattat, piano ◊
Beethoven-Schumann-Rachmaninov
Schumann : Focus
Une parfaite connaissance de l’univers littéraire et poétique de Schumann s’impose dès lors que l’on aborde l’interprétation de ses œuvres pour piano seul.
Ici, la ligne droite est inconcevable, tout est sinueux, inattendu, soudain, souvent énigmatique ce qui légitime les esthétiques les plus variées. Nombreux sont les interprètes qui ont eu maille à partir avec les turbulences de l’inspiration de Robert Schumann qui, de la manière la plus fantasque, se manifestent sans crier gare. Les cycles schumanniens ( Scènes d’Enfants, Kreisleriana, Scènes de la Forêt…. souvent suites de brêves vignettes musicales sont « vitalisées » par l’effet « contraction-expansion » sonore. Une sorte de pulsation au profit du coeur émotionnel. Les schumannophiles savent le fossé qui existe entre l’intégrale « historique » de Reine Gianoli dans les années 60 et celle toute récente de Dana Ciocarlie. ( 23 juillet Gordes), l’une ne déconsidérant pas l’autre.
Schumann a inspiré à un musicien demeuré anonyme, cette belle et généreuse pensée :
« Je ne joue pas pour qu’on s’assujettisse à mon jeu, je joue pour que chacun se révèle à soi même »
Samedi 4 août 19h
Friche de la Belle de Mai 13013 Marseille
Sirba Octet ♬
Entrée libre
A l’origine, il y avait ces petites formations instrumentales nommées « lautari ». A leur répertoire, des musiques traditionnelles d’Europe de l’Est dites « klezmer » ou « yiddish » d’inspiration juive.
De culture et de langue roumaine et moldave, allant de villages en « shtetl » ces ensembles se composaient de violons, contrebasse, clarinette et autres instruments à vent et de nos jours, accordéon et cymbalum.
Nous voici donc en plein territoire tzigane, au centre des festivités villageoises, célébrant fiançailles, noces ou événements agraires.
A propos de leur récent CD :
L’album Tantz ! ( 2014) est une envolée musicale virtuose, expressive et dansante, portée par huit musiciens exceptionnels à l’interprétation éblouissante. Ce véritable trésor musical puisé dans le répertoire traditionnel entraîne le public au gré des Doina, Hora, Sirba et autres danses des musiques klezmer et tziganes de l’Europe de l’est. Tantz ! Passerelle entre la Roumanie, la Moldavie, la Russie et la Hongrie, se vit comme un voyage virevoltant et poétique, traversant les frontières et l’imagination. Le grand violoniste, Ivry Gitlis, figure majeure et emblématique, dédicace ce nouvel album et soutient ce voyage musical.
Label Deutsche Grammophon
Mercredi 8 août 21h
Parc du Château de Florans
Anne Queffelec, piano ♕
Sinfonia Varsovia
Direction Lio Kuokman
Mozart-Concerto pour piano n°22 K 482
Bartok-Concerto pour piano n°3
Fille d’Henri Queffelec, grand romancier, sœur de Yann Queffelec, prix Goncourt 1990, Anne, encore très jeune, se démarque de la littérature au profit de la musique. Brillante élève du Conservatoire de Paris (CNSM) elle en sort bardée de diplômes.
Sa formation se complète par la rencontre d’un des grands maîtres de notre époque : Alfred Brendel.
Lauréate des concours de Leeds et de Münich, Anne Queffelec, mène une carrière qui, au fil des ans, s’est enrichi d’un répertoire des plus étendus, de rendez-vous avec d’illustres orchestres (Londres, New York, Tokyo, Paris…) et de collaboration avec des chefs du plus grand renom. ( Boulez, Gardiner, Jordan, Janowski…) Anne Queffelec est présente lors de grands festivals, Proms de Londres, Grange de Meslay mais surtout Roque d’Anthéron où elle possède un « fan club provençal » des plus fidèles.
Personnalité toute en simplicité et charme, Anne Queffelec est une musicienne des plus attachantes et des plus estimées du monde du piano en particulier et de celui du monde de la musique en général.
Sa discographie, régulièrement louangée, compte plus de 30 titres.
A son programme en ce 7 août deux opus pour piano et orchestre, tous deux, bien qu’éloignés de plus d’un siècle et demi, trouveront en Anne Queffelec une interpréte qui trouve la voix la plus juste et envoûtante dans l’expression de ces deux œuvres.
Anne Queffelec, complice de longue date des « Mailomanes » à Marseille, nous charme sans réserve, sur scène comme hors scène.
Un concert en état de grâce. Assurément.
Dimanche 12 août 18h30
Cloître de l’Abbaye de Silvacane
Matan Porat piano
Schumann, Debussy, Beethoven, Bartok, Liszt….
Né à Tel-Aviv en 1982, Matan Porat, diplômé de la Juillard School de New-York, élève de Maria João Pires et Murray Perahia, en quelques petites années, a connu de fulgurants succès. Liste révélatrice des scènes où il s’est récemment produit : Carnegie Hall, Auditorium du Louvre, Alte Oper de Francfort, Barbican Hall, Wigmore Hall de Londres, Philharmonie de Berlin etc...
Matan Porat a enregistré son 1er CD en 2013. Un programme CV assez subjuguant par le transformisme confondant du sur doué israélien : Scarlatti, Chostakovitch, Schumann, Satie…
A son palmarès, les mythiques Variations Goldberg de Bach, qui, si elles ne bousculent pas la version culte de Glenn Gould, attestent de l’aisance technique et de la solidité des convictions de Matan Porat. Mais, l’intention de celui-ci ne se réduit pas à son statut d’interpréte mais vise une carrière de compositeur pour laquelle il a, dès ses débuts de musicien, posé d’estimables jalons. De Glenn Gould, un de ses inspirateurs, il pourrait aussi reprendre la fameuse et assez radicale sentence: « Je me refuse de penser que l’acte recréateur soit différent de l’acte créateur ». Soit…
Jeudi 16 août 21h Parc de Florans
Sergeï Babayan, récital de piano ♕
Voici un pianiste aussi discret qu’exemplaire qui consacre plus de temps à enseigner son art qu’à l’exposer sur les scènes de concert. Sa naturelle réserve est néanmoins mise entre parenthèses lorsqu’il joue et enregistre avec une partenaire de longue date : Martha Argerich. Qui peut résister à la sollicitation de venir partager une partition avec la rebelle du clavier ? Bien peu de ses amies et amis…
Au programme de Sergeï Babayan : Rameau, Chopin et…Rachmaninov.
Focus sur celui-ci : « Parce que les virtuoses y trouvent leur content de prouesses mécaniques, les œuvres de Rachmaninov encombrent encore nos programmes. Démodés, creux, n’ayant même pas conservé leur brillant, ils sont pour notre temps le pendant de toute la friperie des Henri Herz, des Czerny, des Thalberg…
Dictionnaire de la musique 1969 Robert Laffont. Par Lucien Rebatet. Un visionnaire.
© Easyclassic - 27/06/2018
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